L'histoire :
C’est l’accroche publicitaire d’une vitrine qui a fait entrer Léon dans la boutique de Stanislas Solveig : « Mettez votre destin entre nos mains ». Pourtant, une fois à l’intérieur, l’atmosphère étrange qui règne ne donne pas envie de confier grand-chose à qui que ce soit. Il y a cette mélodie envoûtante au piano et ce chat empaillé sur le comptoir qui font directement froid dans le dos. Invité par le propriétaire à se laisser emporter par le noir profond des pupilles du matou naturalisé, Léon se contentera d’y plonger les yeux avant de tirer sa révérence. Une expérience étrange et dérangeante, cependant, qui mérite d’aller se requinquer au bistrot du coin devant un expresso. Léon, gros nounours sympathique, ne tarde pas à y retrouver son copain Gaspar. Ce dernier le tanne une fois encore sur son asociabilité : il serait temps qu’une jolie souris vienne faire son nid avec lui sous les toits. Mais pour l’heure, c’est un petit chat noir attiré par la mélodie du café qui semble vouloir se frotter à notre Léon. Il le suit même chez lui. Et ne semble pas vouloir le lâcher de sitôt…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Poétique, étrange, touchant et joliment ficelé sont les tous premiers mots qui viennent à l’esprit, une fois terminé le voyage dans l’univers mis ici en scène par Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg. Poétique, car il s’agit là d’une histoire d’amour peu ordinaire. Un amour fou, viscéral, qui pousse en marge des love-story bubble-gum ou des histoires de cul. Une histoire qu’on verrait bien emmitouflée à l’intérieur d’un joli conte, donnant du miel et du coton. Une dont la naïveté enfantine pourrait se décliner entre quelques strophes bien ciselées. Une qui nous fait simplement chaud. Également étrange, parce que l’album use d’un artifice fantastique pour sertir cette douceur poétique : un envoûtant jeu de chat / jolie jeune femme, entrelacé entre jour et nuit et qui fait perdre la tête à un gentil pataud. Nous nous laissons alors absorber par le mystère, perdus à notre tour pour démêler le rêve de la réalité. Ou tout simplement nous abandonner à l’idée que rien n’est impossible. Touchant aussi, parce que la galerie de personnages est directement attachante : du grand balèze naïf à chevelure féline à Mine et ses yeux transperçants, en passant par Pauvre Pierre, ce marginal amoureux des animaux. Un casting animal émouvant d’humanité. Enfin, brillamment ficelé pour ne pas se contenter de poser un joli univers sans s‘efforcer de le mettre en mouvement. Ici le noir et blanc – subtilement cadré, tantôt lâché en mouvements de poignets furieux ou zoomé lentement pour asseoir l’émotion – s’en charge en partie. Mais il y a surtout ce petit suspens – certes pas du Hitchcock non plus – qui capte joliment notre intérêt : mystère des transformations félines, boutique d’un étrange taxidermiste et énigmatique pianiste prodige nous offrent un joli puzzle à assembler. Bref, voilà une jolie découverte confiée à un univers à part et particulièrement attachant. On en redemande sans hésiter.