L'histoire :
Dans une oasis d’Afrique du nord, un coup de feu secoue le silence de la forêt. L’officier Lévine vient d’abattre un loup blanc. Il croyait pourtant qu’il n’y en avait qu’aux pôles… Peu importe, la colonne de soldats reprend sa progression vers son objectif. À l’approche de la base de miliciens, dans un défilé encaissé, ils tombent dans un piège. Ils sont attaqués par des hommes en armes aux cris d’Allahu Akbar. Après une lutte âpre, ils se replient vers la forêt où ils se regroupent au complet quoiqu’à bout de souffle… Six ans plus tard, dans la vie civile, une femme de ménage fredonne Aux Champs Élysées dans les couloirs de l’hôpital, lorsque le gardien lui demande d’évacuer le bâtiment. Monsieur Lévine, qui attend son tour chez le médecin, se voit lui aussi prié de partir. Il signale qu’un certain Zélig, est parti aux toilettes. A ces mots, le gardien réagit en sortant son arme. Il demande à Lévine de foutre le camp et se prépare à donner l’assaut. À la recherche de sa voiture pour rentrer chez lui, Lévine se rend compte qu’il a oublié où elle était garée… Bien sûr, la tumeur que le docteur lui a diagnostiquée est responsable, mais oublier le modèle est le signe que la maladie progresse vite. Avec l’adresse de sa carte d’identité, il retourne chez lui à pied. En cherchant les clés dans ses poches, il tombe sur une boîte sur laquelle est inscrite Luttez Zelig. Il ne comprend pas comment le médecin a pu la glisser là…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Monsieur Lévine annonce d’emblée sa dimension schizophrène. La couverture avec un loup entre deux personnages sur un grand labyrinthe, constitue un sérieux indice pour la suite. De retour de la guerre avec des souvenirs enfouis pour certains et troubles pour d’autres, Monsieur Lévine est un homme simple, secoué par son expérience et de surcroît victime d’une tumeur au cerveau. Se sachant condamné, il décide de passer les derniers jours de sa vie avec son seul et lointain amour, Charlotte, une femme obèse aujourd’hui tyrannisée par un patron méprisable. Ça semble limpide d’emblée. Le dessin à la mine de plomb de Toni Carbos donne à l’ambiance un côté ouaté des plus confortable, à contrepied du malaise qui s’installe dès les premières planches avec la mort du loup. Le thème réel est amené en plusieurs étapes et Javier Cosnava contrôle complètement le récit. Carbos ajoute à la confusion avec les deux seuls types de nez dont il affuble les personnages. Pourtant, un temps égaré dans les méandres du labyrinthe, on reconstituera le puzzle puisque le scénario nous amène là il où il veut : dans une réflexion métaphysique sur la vie, la mort, les erreurs, les forces et les faiblesses de chacun. Fort ou faible, nous sommes tous égaux face à l’ironie de la vie, tel Pyrrhus, le conquérant antique aux milles victoires, terrassé d’une simple tuile lancée par une vielle dame. Les messages sociologiques accompagnent l’intrigue mi policière, mi dramatique, pour un album dont l’ambition est de nous donner envie de vivre du mieux que l’on peut et quoiqu’il arrive, malgré les faux semblants du présents et les blessures du passé.