L'histoire :
Gala, la cinquantaine bien tassée, quitte Moscou pour se mettre quelques jours « au vert » chez son fils Maksim et sa belle-fille Tania. Elle a décidé de reprendre son mémoire de littérature et la petite île sur la Volga, sur laquelle ils se sont installés, lui semble un coin de calme idéal pour cela. Cela lui permet, en prime, de profiter de son petit-fils, Aliocha. Maksim l’accueille au débarcadère et lui fait ensuite découvrir la propriété qu’ils ont construite. Des chambres, une déco cosy, un ponton-terrasse qui donne sur le fleuve, un potager, des serres, des ruches… Gala est fière pour son fils de cette réussite. Dès le lendemain, elle s’installe avec son ordinateur portable dans le jardin, tandis que Maksim et un ami construisent un gîte à proximité. Ils reçoivent alors une visite impromptue, d’un dénommé Arkadi Guerassimov, de la société Tsigler. Ce dernier leur signifie qu’il leur faut un « passeport local de sécurité » pour pouvoir continuer le chantier. Et que, lui, peut le fournir, évidemment contre une taxe. Gala flaire le racket mafieux et elle éconduit le vilain bonhomme. Dès le lendemain, elle enquête et ses résultats confirment ses doutes : le document exigé est totalement bidon. Pourtant, Tsigler en personne se pointe quelques jours plus tard, se fait menaçant et exige la somme sous deux jours. La nuit suivante, il demande à deux garnements locaux de « faire peur » en causant quelques dégâts légers sur la propriété. Stepan et Kolya, un ancien élève de Gala au collège, s’exécutent avec leurs motos…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avouez, vous n’aviez jamais pensé prendre un peu de vacances sur un îlot perdu au milieu de la Volga ! C’est pourtant cette destination « exotique » que choisit l’une des protagonistes de cet étonnant récit en one-shot, qui commence « gentiment » pour finalement tourner au thriller. Gala, une universitaire russe âgée d’une cinquantaine d’années, montre assez tôt son caractère entier et sa maturité. En parallèle contrariée, le jeune Kolya montre quant à lui sa vacuité culturelle et son manque de repère sociaux. Auteur complet, Iwan Lepingle prend le temps d’installer la psychologie des personnages, particulièrement réaliste et crédible. Il prend le temps de camper le contexte, l’ambiance plutôt paisible… avant de glisser insidieusement une sorte de fonctionnaire véreux, duquel déroulera toute une problématique, qui ira loin dans les tensions. Cette histoire de racket, puis d’enlèvement, est progressivement et savoureusement menée par l’auteur, qui épingle deux sujets en même temps : il cerne tout autant les microcosmes mafieux, tels qu’il peut en émerger dans cette Russie qui a du absorber d’une traite la société de consommation, que le désœuvrement des jeunes et les ravages de l’inculture. Lépingle ne cède jamais à la facilité ni au manichéisme, si bien qu’on se demande jusqu’à quelle fatalité le réalisme de cette histoire va nous mener. La quiétude perturbée du site est renforcée par les teintes ocres volontairement délavées et fades, qui accompagnent le trait semi-réaliste et stylisé. La narration, les dialogues, la mise en scène, le dessin sont en harmonie pour faire passer un excellent moment de lecture aux fans de thrillers emprunts d’authenticités.