L'histoire :
Jeanne est prof de collège en ZEP. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que je job n'est pas vraiment à la hauteur de ses attentes. Un jour, elle a le déclic : fini le collège, elle ira enseigner à la fac. Mais pour cela, au-delà de son CAPES, elle va devoir passer son doctorat et, donc, écrire une thèse. Jeanne ne se fait pas trop de souci, les démarches administratives devraient n'être que de simples formalités et, avec un peu d'organisation et de rigueur, tout devrait bien se passer. Son objectif ? Écrire sa thèse et passer son doctorat en trois ans. Elle y croit dur comme fer : hors de question pour elle de mettre en péril sa santé, son couple ou sa vie sociale. Avec un planning rigoureux et l'aide bienveillante d'Alexandre Karpov, son mentor et directeur de thèse, Jeanne n'a aucune raison de craindre les galères rencontrées par ses co-détenus – par ses collègues, pardon. Ben voyons...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Accomplissement ultime en terme de diplômes, le doctorat parait souvent n'être, pour celles et ceux qui ne s'y sont jamais frotté en personne, qu'une longue dissertation documentée écrite en plusieurs années. Pour les autres, les pauvres hères qui s'y sont frottés, il en est bien sûr tout autre chose. Tiphaine Rivière, l'auteure de ces Carnets de Thèse, est bien au fait du chemin de croix que représente le doctorat, puisqu'elle a elle-même été dans cette situation (et, de son propre aveu, n'a pas été jusqu'au bout). L'auteur de cette chronique, quant à lui, a lui aussi connu ces galères, bien que ce fut dans une matière et des circonstances différentes. Tout cela pour dire que ces « Carnets » tiennent effectivement du documentaire à peine caricatural. Il faut bien loler un peu, une fois tout ça derrière soi. Un des aspects les plus problématiques de l'écriture d'une thèse, et Rivière le souligne très bien, c'est à la fois le regard que l'on porte sur soi (« Vais-je y arriver un jour ? », « Mais qu'est-ce qui m'a pris ? » mais aussi le regard des proches (« Mais pourquoi est-ce que ça lui prend si longtemps ? », « Bon ben ça va, tu peux te détendre de temps en temps »). Particulièrement drôle (enfin, pour les connaisseurs), la caricature du monde universitaire, ultra-administré et concurrentiel, en fera rire plus d'un. Les dessins sont adéquats et l'imagination débridée de l'auteure et de son héroïne transforment sur les pages toutes les épreuves et tracasseries du quotidien en autant de château-forts et de dragons pas si imaginaires que ça. La restitution du caractère impressionnant et de la pompe dégagée par les bâtiments universitaires aux yeux des étudiants est une réussite. Si la caricature même du directeur de thèse peut paraître exagérée, autant vous le dire tout de suite : oui, il y en a des comme ça. Machine broyant aléatoirement les égos au gré des hasards des attributions, l'université est croquée le plus souvent au vitriol mais, parfois, aussi, avec une certaine sympathie (la secrétaire qui finit par baisser les bras devant le monstre administratif, les autres doctorants – enfin, certains – ou encore les professeurs et conférenciers, aimables hurluberlus ne se rendant pas compte de ce qui se passe autour d'eux...). Au final, Carnet de Thèse peut s'adresser à trois publics. Les doctorants, d'abord, passés et présents, que cet album fera rire et rassurera, aussi. Un peu. Ensuite leurs proches. Si jamais vous souhaitez comprendre ce par quoi passe ou est passé un(e) doctorant(e), cet ouvrage vous remplira peut-être d'effroi, non pas vis-à-vis de la thèse elle-même, mais par rapport à ce que vous avez pu dire ou faire, en vous disant tout simplement que ça va bien, ça doit pas être si dur que ça. Enfin, les autres, les « civils », comme on pourrait les appeler, pour lesquels l'album n'aura certes pas la même saveur... mais ils y trouveront suffisamment de dérision et de moments touchants. C'est par rapport à ce dernier public que l'on notera cet album, en ne manquant pas de faire remarquer que si vous faites partie des deux autres, alors vous pouvez facilement rajouter un point à la note globale.