L'histoire :
Kriss Bottomwine (n’allez surtout pas l’appeler Crystal) a 11 ans. Il est orphelin et vient de sortir de l’hôpital où il s’est fait implanter un cœur artificiel, un cœur de papier. Une voiture le dépose devant une grande bâtisse encadrée d’épaisses ronces et pas accueillante pour deux sous. C’est une jeune fille aux cheveux bleutés, qui semble bien le connaitre, qui ouvre la porte et se présente comme étant Rosamelia, celle qui le guidera dans cette nouvelle et étrange maison, dans laquelle trône un arbre gigantesque. Sa première recommandation concerne l’escalier doré : le jeune garçon ne doit jamais s’y aventurer, au risque de s’attirer de gros ennuis. L’étage est en effet occupé par « Mamie Nuit », la véritable maitresse des lieux qui voit et entend tout dans la demeure. Lors du diner, Kriss fait la connaissance de deux autres pensionnaires : Mortimer et Shua, deux étranges garçons bien moins curieux que le nouvel arrivant. Car le mystère qui entoure la pension, ces drôles d’objets qui s’animent curieusement et cette femme qu’on ne voit pas, mais qui semble terroriser son monde, ne tardent pas à contraindre Kriss à une petite expédition. Profitant de l’absence de Rosamelia, il réussit à convaincre ses compagnons de s’aventurer dans l’escalier.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La jolie bonbonnière de la collection Métamorphose se garnit une nouvelle fois d’une de ces petites choses laissant sur la langue un goût unique, capable dans le même temps d’apprivoiser et de blesser les papilles les plus affutées. C’est encore un enfant qui nous sert de guide, pour une plongée dans un univers titillant délicieusement ceux souvent concoctés par Tim Burton ou Hayao Miyazaki. Ainsi, on retrouve cette manière de flirter avec la mort en un ballet glacial, dans lequel chaque parcelle de l’univers s’anime et porte l’effroi, souvent si chère au réalisateur américain. En même temps, il y a cette relation à la nature et cette étrange « Mamie Nuit » qui rappellent le travail du génie japonais du film d’animation. Au-delà, le petit Kriss nous balade bien dans un monde qui n’appartient qu’à ses créateurs, pour une ouverture de trilogie maniant habilement onirisme, poésie, peur et épais mystère. Servi par une excellente narration qui utilise la créativité graphique du dessinateur, aussi bien que l’aisance littéraire du scénariste (l’avertissement qui ouvre l’ouvrage est un savoureux moment), le récit nous laisse impatient de découvrir la tournure qu’il prendra (y’ a même un gros cliffhanger pas sympa pour attiser définitivement notre curiosité) : où sont vraiment les garçonnets ? Qui est cette étrange mamie ? Quelles sont ces réelles intentions ? Où est passée Rosamelia ? Est-elle vraiment si sympa ? Et puis c’est quoi, d’abord, cette histoire de cœur en papier ? Bref, à force de nous rendre le héros attachant, d’illuminer nos mirettes à coup de dessins magiques (cadrages à vertiges, enluminures, décors, expressions des visages…) ou de nous présenter un univers fantastico-jubilatoire, Bruno Enna et Giovanni Rigano ont gagné la première manche en nous jetant dans leur filet.