L'histoire :
Un cow-boy avance à travers une épaisse forêt enneigée, un fusil à la main. Il se tient aux aguets, prêt à dégainer à chaque instant, le visage vengeur. Et plus il approche de son objectif, une maison isolée, de la cheminée de laquelle s’échappe un filet de fumée, plus ses traits se crispent. Son ennemi est là, il le sait, il le sent. Il ouvre la porte avec fracas. Dans l’obscurité intérieure, à peine a t-il le temps de voir la lame d’un couteau, que l’arme blanche lui gicle dans le poitrail. Son ennemi se rue sur lui dans la lancée, le faisant rouler en arrière sur le sol. Puis il s’enfuit, tandis que le cow-boy perd connaissance. Il met quelques temps pour revenir à lui. Il n’est pas mort. Il se redresse, retire l’arme de son épaule et rentre se soigner à l’intérieur de la chaumière. A l’extérieur, la nuit tombe et les loups sont de sortie, sans doute attirés par l’odeur de la flaque de sang que le cow-boy a laissé devant la maison. L’homme a pansé ses blessures. Il a aussi vidé une bouteille d’alcool, pour se redonner la force de continuer. Derrière lui, sur le lit, la dépouille d’un indien qu’il a bien connu. Il a été son tuteur, son père adoptif et il est désormais mort. Le cow-boy est venu ici pour le venger. Et il n’a pas l’intention d’abandonner cet objectif…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Thierry Martin nous propose ici un étonnant western crépusculaire, muet et monochromique, au même format « à l’italienne » que ses gentillets Myrmidon. Pour autant, le public est nécessairement plus adulte. En effet, nous suivons ici l’opiniâtreté d’un cow-boy dans sa visée vengeresse : buter le sale type responsable de la mort de son père adoptif, un indien. Le scénario est relativement basic et limité par l’absence du moindre philactère. La narration se doit donc d’utiliser la mécanique purement visuelle que s’est fixé l’auteur : une unique case géante par page, à raison d’une page dessinée par jour. Martin a commencé cette improvisation scénaristique en aout 2018, sans but précis au départ. L’histoire s’est écrite de manière automatique au fil des jours et des cases. Thierry Martin était mue par le désir de laisser courir son énergie graphique. L'aventure s'est achevée le 15 mars 2019, au terme de 210 jours de dessins (sans les week-ends). En résulte effectivement une sacrée puissance visuelle et narrative, uniquement générée par les traits à l’encre noire, une teinte unique bleu-grise en aplat et une subtile réutilisation du fond blanc de la page en tant que lumière. Les cadrages se montrent d’un rare équilibre, les mouvements sont perceptibles, les ambiances ténébreuses et prégnantes. C’est beau, sauvage et impitoyable. Comme un western !