L'histoire :
A Cambron les Châteaux, Jérémie le facteur fait sa tournée habituelle, alors que la plupart des gens dorment encore. Mais ce jour, un des habitants est de sortie. Il s’agit du père Félix, un vieil homme sans famille et sans histoire, vivant près du carrefour principal de la ville. Le facteur n’est finalement pas autant surpris par le vieil homme que par ce qu’il tient dans ses mains : un pot de peinture rose. Le père Félix sort un pinceau et trace un énorme cercle au milieu du carrefour. Jérémie assiste alors à une scène improbable : le vieillard sort l’un après l’autre des meubles de son appartement pour les installer au milieu du cercle qu’il vient tout juste de tracer. Un homme l’interpelle alors… mais le père Félix l’accueille avec sa carabine, ce qui a tôt fait de le faire fuir. Des véhicules commencent à s’agglutiner à chaque coin du carrefour et les automobilistes se mettent à râler. Cet énervement général oblige le vieil homme à faire preuve de fermeté, en tirant un ou deux coups de sommation. Cet endroit est maintenant un territoire privé, celui du père Félix !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce Félix ou le grand non, Christian Durieux (avec la casquette de scénariste, cette fois) propose de réfléchir sur ce que peut devenir la complexité de notre monde, à travers les yeux de quelqu’un qui a perdu le goût des choses simples. Avec l’histoire de ce vieil homme qui, du jour au lendemain, et sans raisons particulières (vous l’apprendrez cependant à la dernière page), décide de prendre possession du carrefour d’un petit village, l’auteur nous démontre aussi comment les médias et les politiques récupèrent chaque événement. En effet, le vieux Félix a la mauvaise idée de faire son coup alors que l’élection présidentielle doit bientôt avoir lieu… Récupération politique oblige, tous les candidats vont essayer de tourner l’anecdote en actualité, et si possible à leur avantage. A l’instar de Forrest Gump (où des gens le voyant courir, se mettent eux aussi à courir), une foule de personne se sentent inspiré par cet acte « rebelle »… alors que Félix n’a jamais rien revendiqué ! Si le scénario se suit très agréablement, on peut par contre émettre quelques réserves sur le fond qu’on aurait aimé, au final, plus consistant. Plus d’humour ou de psychologie auraient peut-être été bienvenus. Durieux nous positionne en fait juste comme spectateur d’un phénomène. En cela, le titre est une réussite et les planches du dessinateur Bruno Wesel le sont également. Son style très classique et fortement influencé par l’école belge fait des merveilles et rappellera les travaux de Dupuy-Berbérian. Félix ou le grand non est une lecture très agréable, mais à laquelle il manque le petit quelque chose des souvenirs impérissables.