L'histoire :
Il y a 14 ans, Véronique d’Hergemont perdait coup sur coup son fils et son père, déclarés morts. Auteur des méfaits, le comte Alexis Vorski, à l’époque fou d’amour pour Véronique. Seulement voilà : le père de Véronique, Antoine d’Hergemont, avait repoussé Vorski. Après quelque temps, il accepta finalement le mariage de sa fille et du comte, non sans nourrir un sentiment de vengeance. C’est pourquoi il décida un jour d'enlever l’enfant de sa fille sur un petit yacht et de l’emmener vers Sarek, une île pleine de mystères. Cependant, houleuse et déchainée, la mer fit sombrer dans les abymes le grand-père et le fils, laissant Véronique désespérée. Celle-ci, après avoir quitté le comte Vorski, s’installa alors dans un couvent de carmélites. Mais 14 ans plus tard, Véronique n’en a pas fini avec cette histoire. Elle décide de retourner sur l’île de Sarek pour tenter de les retrouver, malgré une légende mystérieuse et effrayante : cernée par 30 écueils menaçants, l’île est censée faire mourir 30 personnes. A rebours de cette prophétie sanglante, Véronique est bien décidée à retrouver sa famille, quoi qu’il en coûte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Marc Lizano avait été marqué par la série télé de la fin des années 70, directement inspirée du livre de Maurice Leblanc (le père d’Arsène Lupin !). A son tour, il a voulu l’adapter en BD pour « faire remonter les émotions » qu’il a pu ressentir pendant l’enfance. Fort de cette ambition, Lizano adopte ici un dessin rond semi-réaliste, habillé d’une bichromie sépia/grise jouant la carte du récit intimiste et mystérieux. Sans virtuosité particulière, mais pas désagréable non plus, le graphisme fait le job. Au-delà de l’histoire qui mêle fantastique et policier, deux maladresses formelles viennent modérer notre enthousiasme : primo, le confort de lecture n’est guère facilité par la police choisie, dense, petite et pas toujours lisible (les quatre pages de lettres manuscrites raturées sont franchement illisibles). Si bien qu’il faut parfois redoubler de concentration. Autre écueil : les encarts façon feuilleton populaire : on y trouve de l’autopromotion déguisée pour la collection Noctambule, des éléments de contexte de l’œuvre, une bibliographie, des photos, des résumés d’épisodes précédents… Pas inintéressantes mais assez lourdes, ces longues pauses viennent hacher le rythme de lecture et, au lieu de ménager un quelconque suspens, dispersent plutôt notre attention. Ce qui donne un résultat un peu étrange, une sorte de fourre-tout loin d’être « haletant ». Car tous ces parti-pris finissent par émousser notre intérêt, en donnant le sentiment d’une BD qui, en voulant bien faire, en fait trop. L’intention était bonne, faire une BD à la manière d’un feuilleton populaire, mais le résultat convainc peu : scènes trop denses ou trop rapides, rebondissements mal amenés qui font pschitt… Pas facile dans ces conditions d’apprécier cette BD qui nous rappelle combien l’adaptation d’une œuvre littéraire est un exercice difficile. Et combien, aussi, il est délicat de trouver le juste équilibre entre mots et images, en conservant l’esprit et l’ambiance du feuilleton, tout en y ajoutant une vision d’auteur. Dans le cas de l’Ile aux 30 cercueils, la passerelle entre BD et littérature ou récit-feuilleton et one-shot se révèle chancelante. Au final, une adaptation ni bonne ni mauvaise, mais peu enthousiasmante en tout cas.