L'histoire :
Papa divorcé, Yann vit dans une capitale qui ne ralentit jamais. Il allie difficilement sa vie professionnelle et familiale, il est en permanence sous tension. Il travaille en freelance pour un cabinet d’architecte et doit absolument terminer son visuel pour la présentation d’un projet à un concours d’importance vitale pour le bureau. Obligé de faire équipe avec une femme plutôt acariâtre et dépassée par le virage numérique, il consacre beaucoup de temps au projet. Un matin, au bureau, un bruit assourdissant se fait entendre. La capitale traumatisée par les attentats terroristes des dernières années, plonge dans la frénésie. Yann se précipite dehors et observe la scène médusé : une rame de métro a déraillé et s’est écrasée 15 mètres plus bas. Terrorisme ? Accident ? Erreur humaine ? Les suppositions vont bon train. En marge de cette angoisse, son ex-femme, infirmière à l’hôpital, lui demande d’aller chercher sa fille Aïda à l’école, car les blessés sont redirigés vers son service. Yann traverse une bonne partie de l’arrondissement pour rejoindre sa fille rapidement. Au petit matin, sa voix est enrouée. Il perd ses poils de barbe et reçoit de nombreux boutons dans le visage. Yann est perturbé, il a l’impression de revivre sa puberté. Après de nombreuses analyses médicales, Yann développe une hyper sensibilité endocrinienne. Inévitablement, son dérèglement hormonal le transforme petit à petit en femme, contre sa propre volonté...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet Homme comme un autre représente une petite gifle scénaristique, au sein d'un récit d’anticipation pas si éloigné de notre quotidien. Le dérèglement hormonal de l’être humain est une question de fond qui est source de nombreuses études. Par exemple, la « féminisation » des poissons de rivière est une réalité. Entre autre exemple, nous sommes chaque jour en contact avec des perturbateurs endocriniens qui peuvent avoir une incidence sur notre corps (cf. le scandale du bisphénol A). Le corps humain est une mécanique de très haute précision dont nous ignorons encore de nombreux phénomènes ou mécanismes. Or notre corps est exposé à des substances (phtalates dans les plastiques, parabènes dans les savons...) qui peuvent modifier son fonctionnement comme pour les poissons. Le récit ainsi que le thème de fond sont extrêmement intéressants. Comment ne pas être touché par la détresse du personnage principal qui se sent emprisonné dans ce corps qu’il n’a pas choisi. Le parallèle avec la question du genre est extrêmement bien senti. La question est la même : comment vivre avec un genre que nous n’avons pas choisi ; ou du moins avec lequel nous ne nous sentons pas à l’aise, quelle que soit l’identité sexuelle qui ne doit être en aucun cas liée au genre. Le scénario proposé par Stéphane Betbeder est profond, touchant mêlant de nombreuses questions tel que le regard des autres, l’être et le paraître, le sentiment d’abandon ou encore la rigidité sociale de la normalité. Au niveau du dessin, Federico Pietrobon, nous livre un album avec un trait réaliste manquant parfois de punch alors qu’il nous avait habitué à un style vraiment différent dans Deep, Vinifera ou encore la compagnie des ténèbres. Malgré quelques planches manquant de décor ou de profondeur et le manque d’émotion à travers le dessin, le dessinateur nous propose des concepts très intéressants comme les doubles pages consacrées à ses recherches sur les hormones et les informations données par les « experts » du net. Ou encore les prises de vues de la caméra. Ainsi, cet album est porté par un scénario de grande qualité développant des thèmes fort, sans moralisation pour notre génération et les prochaines. En espérant que ce genre d’album éveille les consciences sur notre propre consommation et les risques sur notre corps.
