L'histoire :
Dans la Rhénanie du 13e siècle, Erika élève ses quatre filles dans un ordre quasi monastique. Le petit groupe de béguines cohabite tant bien que mal avec l'ordre religieux tout proche, qui ne reconnait pas leur congrégation. Les femmes produisent des traductions de bibles, dont les enluminures sont les plus belles que la région connaisse, ce qui leur vaut une tolérance de la part du clergé local. A l'occasion d'une livraison de bois, le Père Andréas vient rendre visite à Erika, furieux qu'une traduction ait été livrée au Père Supérieur sans lui avoir au préalable été soumise. Il quitte le groupe de femmes en leur faisant comprendre que sans lui leur congrégation serait directement menacée par le concile de Mayence et les inquisiteurs qu'il lance sur les routes du pays. C'est alors que les femmes découvrent dans la neige une jeune femme nue, inconsciente mais indemne, et la recueillent. La jeune miraculée va devenir un élément stratégique dans la vie de la communauté…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voilà un nouveau one-shot étonnant pour le duo Lapière-Clarke, après le remarquable Luna Almaden. Là encore, c'est un personnage féminin qui inspire les auteurs, pour un scénario atypique qui s'apparente à une tranche d'histoire religieuse, peu connue des non-initiés. Visuellement, on apprécie de voir Clarke démontrer à nouveau son talent dans des dessins plus réalistes que dans les albums humoristiques qui font sa réputation. Son trait reste reconnaissable, mais la gravité des regards, des décors et des sentiments fait vite oublier les personnages déjantés de Mister Président ou des Histoires à lunettes. Clarke nous livre de très belles planches, par ailleurs remarquablement colorisées par Ngam. Le déroulement de cet album est quant à lui fluide et linéaire, abordant sans l'approfondir le contexte historique de cette persécution religieuse. De même, ce qu'on devine de la complexité de certains personnages (Erika, bien sûr, mais aussi le père Andréas ou certaines des jeunes filles), sera au final assez peu creusé. De cet album au format atypique (70 pages, à mi-chemin entre petit format et format classique), on ressort donc avec un petit sentiment d'inachevé, tant on aurait aimé voir ces personnages vivre un peu plus longuement leurs luttes d'influence. Cet album prouve néanmoins une nouvelle fois que des auteurs sérieux et documentés peuvent emmener le 9e art sur des terrains surprenants… et que le duo Clarke-Lapière n'a pas fini de nous étonner.