L'histoire :
Ce qui (…) touche en lisant et regardant les dessins des gitans de Kkrist Mirror c’est qu’à travers la beauté du graphisme, il n’y a rien de faux, ni dans les visages, ni dans les costumes, ni dans les coiffures. Les attitudes des femmes, des enfants, des hommes, souvent tête baissée ou le regard droit dans les yeux (…). La tête baissée c’est souvent le chagrin, le recueillement, les regards droits dans les yeux c’est la méfiance caractéristique du peuple gitan depuis des siècles à forces d’injustices et de persécutions. Rejetés de tout, de partout, les gitans regardent droit dans les yeux pour voir et lire à travers le regard ce que la bouche ne dit pas. Gitans, Tsiganes, Manouches, peuple ensemble et ouvert, sans préjugé, sans racisme, se protège et protège les siens. Ils partagent avec les autres la joie de vivre qu’ils consument sans réserve dans l’amitié, dans les rassemblements autour de la musique et dans les prières, guitares et chants, qu’ils transforment en fête aussi. Le peuple gitan n’a jamais eu peur des vivants, ni des persécuteurs actuels, ni des nazis qui les ont exterminés, ni de la puissance économique, ni des lois qui leur interdisent d’être ce qu’ils sont, de vivre comme ils sont. Le peuple gitan n’a peur que des esprits et de Baro Devel (dieu). La force des gitans de vivre libres n’a jamais disparu depuis neuf siècles qu’on leur lime la peau à coups de lois scélérates. Cette force est dans la foi et dans le fait qu’ils n’ont jamais changé de cap. Le peuple gitan n’a pas de patrie, pas de pays, mais il a ce cap qui le pousse à ne jamais renoncer à sa liberté profonde et à sa spiritualité. A Sainte Sara...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Poursuivant sur la thématique de son précédent Tsiganes, Kkrist Mirror réédite chez Steinkis ce titre précédemment paru chez Emmanuel Proust (il y 9 ans), plus personnel encore, et exigeant. Préfacé par Tony Gatlif, réalisateur de Exils, bénéficiant d’une édition soignée « de luxe », Gitans n’est en effet pas à proprement parler une bande dessinée – au sens classique du terme en tout cas. L’album n’offre pas vraiment d’intrigue, mais se présente telle une plongée passionnée dans un événement annuel rassemblant chaque année en Camargue la communauté des « gens du voyage ». Venus des quatre coins d’Europe, Manouches (d’Allemagne), Gitans (d’Espagne), Roms (de Roumanie et Russie), Tsiganes, etc. tous composantes du dernier peuple nomade européen, se retrouvent afin de célébrer leurs Saintes (Marie Jacobé, Salomé et Sara). Retour aux sources de leur identité : vérité de Dieu, vérité de Vie. S’étant rendu quatre fois là-bas (1986/87/89/94), Kkrist Mirror en a rapporté de précieux carnets et croquis qui forment aujourd’hui l’album que vous avez (ou aurez !) entre les mains. Le trait est magistral – notamment au regard des traits et expressions des visages et des corps – le choix du N/B s’en trouvant conforté. Textes et images se marient bien et, si l’on est parfois déconcerté par la dimension exaltée du ton adopté, on ne peut qu’être conquis. Ou du moins intéressé. Bousculant les clichés et idées reçues, Gitans s’adressent à tous les curieux et amoureux d’un peuple fier d’un peu plus de mille ans d’Histoire. Un album d’exception.