L'histoire :
Auteur de BD, Romain a l'occasion de se rendre en Roumanie pour créer un album de bande-dessinée sur le pays, trente ans après la mort du dictateur Ceaucescu. Conscient de sa méconnaissance du pays (dont la capitale est Bucarest et non Budapest !), il prend le temps de consulter un de ses amis pour un rattrapage historique, qui sorte un peu des clichés du pays post-communiste d'une part, et de la joyeuse confusion autour des Roms, qui ne sont pas tous roumains, ni l'inverse ! Son parcours va débuter par Constanza, un grand port au bord de la mer Noire. Une ville très calme dès que le soir tombe, où il va faire la connaissance du seul groupe punk de la ville. Des musiciens assez au fait des affaires de leur pays et de leur ville, et pour le français un premier dégrossissage de ce que les gens pensent de la transition d'un régime ultra dirigé vers le capitalisme le plus classique. Les inégalités qui remplacent en quelque sorte l'absence totale de liberté du régime précédent, la corruption dans les deux cas. Le voyage se poursuivra à la rencontre de personnes d'origines différentes dans plusieurs villes du pays, avec des histoires souvent liées à la France d'une manière ou d'une autre. La découverte pour l'auteur de BD de l'impact d'un bouleversement historique sur le ressenti des gens, mais aussi parfois la dureté des propos et l'intolérance qui fait surface chez ceux qui semblaient les plus accueillants.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour son deuxième album après Symphonie Carcérale, Romain Dutter réalise une sorte de reportage éducatif sur la Roumanie d'aujourd'hui, vue à travers le regard d'un jeune français pas spécialiste du tout de ce pays d'Europe Centrale à l'histoire très riche. Avec un certain humour, il se moque de sa propre ignorance, et décrit comment chacune de ses rencontres dans le pays va lui permettre d'apprécier un peu plus la complexité des choses. Les moments de purs rappels historiques sont savamment répartis dans le livre pour ne pas devenir trop pesants. On sent qu'il y avait un cahier des charges à remplir pour permettre ce voyage culturel et créatif. Mais l'auteur à l'intelligence d'insister sur les gens qu'il rencontre, et on devine parfois le réel attachement et l'amitié qui ont dû naitre entre ceux qui se parlent et font tomber leurs préjugés respectifs. Les leçons de vie sont nombreuses, surtout lorsque, croyant avoir trouvé des compagnons de pensée, il entend tout à coup des propos racistes qui le déstabilisent. Pour le reste, c'est presque un sentiment de naïveté que l'on ressent quand Dutter met en avant telle ou telle leçon apprise de l'histoire, ou répète à l'envi l'injustice qui frappe les plus pauvres face aux politiciens tous corrompus. C'est la limite de ce travail, même si l'auteur avoue à travers son propre personnage la difficulté qu'il a rencontrée en tentant de plaquer ses modèles de pensée sur une société avec un vécu si différent. Julien Bouqé met tout cela en images avec simplicité et peu de décors. Ce n'est pas du tout un reportage spectaculaire qui nous est proposé mais une expérience d'apprentissage personnel, en toute simplicité.