L'histoire :
Ethnobotaniste de formation, Olivier Behra doit partir en repérage dans la jungle du Honduras, afin d’y préparer l’installation d’une équipe de tournage qui filmera un reportage sur les communautés indigènes et les mécanismes de la déforestation. Pour les besoins de ses repérages, Olivier Behra a donné rendez-vous à Jorge à une station-service. Guide, Jorge parle bien les langues locales et il a une réelle préoccupation écologique chevillée au corps. Après quelques heures de route en bus escorté par l’armée, ils continuent leur chemin à bord d’un pick-up, sorte de taxi-brousse dans lequel montent toutes sortes de « paysans ». Ils quittent la côte caraïbe pour s’enfoncer de plus en plus dans la jungle. Une panne d’essieu et une réparation de fortune plus tard, et ils longent déjà de vastes étendues de forêt rasée, qui laisse place à des champs de palmiers à huile… Cette huile de palme ira satisfaire la demande massive de l’agro-alimentaire industriel occidental. Des arbres centenaires ont été abattus pour laisser place à de futurs hamburgers. Jorge explique aussi le cataclysme social et environnement engendré par les narcotrafiquants, avec la complicité de l’Etat hondurien. Les masses colossales d’argent de la drogue ont permis bien des arrangements et la mise en place d’un mécanisme pervers et infernal, aboutissant à la déforestation…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jungle beef est déjà le 5ème opus de la collection Témoins du monde de Steinkis, consacrée à la BD-reportage traduite en roman graphique. Olivier Behra (le reporter) et Cyrille Meyer (le dessinateur) nous emmènent au Honduras, dans la jungle qui se réduit chaque minute un peu plus, du fait de la déforestation. Or pourquoi déforeste-t-on massivement, et pas qu’au Honduras ? Pour créer des zones dédiées à l’agriculture intensive d’huile de palme, ou à l’élevage de bovin. D’où le titre. Et parfois, cet élevage de bovin n’existe que sur le papier, car l’élevage est le premier biais de blanchiment de l’argent de la drogue. D’où le sous-titre : « Quand les narcos attaquent la forêt vierge ». Deux biais narratifs s’alternent ici. Lors des principales séquences au présent, nous suivons le périple authentique de Behra qui s’enfonce en pirogue sur le fleuve Platano, à travers une biosphère préservée et sauvage, à la découverte de la culture millénaire des communautés indigènes Pech et Mosquito. Il rencontre alors des gens de bien – guide, cuisinières, chamans, guérisseurs – qui ont tous à cœur de préserver la nature. La jungle mise en scène de manière réaliste est omniprésente, l’émerveillement devant les nuées de perroquets et d’oiseaux est régulièrement souligné. Puis, lors d’autres séquences de pure vulgarisation, le trait de Meyer se la joue plus semi-réaliste, pour décrypter la corruption, le crime organisé, les mécanismes pervers à l’œuvre. Et voilà, une catastrophe écologique de plus est en cours et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Au moins ce roman graphique essaie-t-il d’alerter le grand public sur ce sujet, en se mettant à sa portée.