L'histoire :
Alors que la guerre fait rage entre Israël et le Hezbollah, les habitants de la ville de Tyr, au Liban, vivent au rythme d'inlassables coupures de courant qui plongent les maisons dans une obscurité inquiétante ou une chaleur étouffante. Chaque nuit, donc, les habitants descendent de leur immeuble pour réactiver disjoncteur et courant. Mustapha et Mohammed, « les Batman et Robin de Tyr », deux enfants insouciants et rêveurs, décident de sauver leur pays en enfilant les costumes de super-héros masqués et capés, lancés à toute allure sous les dangereux bombardements nocturnes. Rétablir l'électricité, telle sera leur mission dans un pays en proie à une guerre quotidienne. Bravant risques et dangers, les jeunes enfants n'auront qu'une idée en tête : rétablir un peu de justice en ce bas monde...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Joseph Safieddine raconte ici la guerre au Liban du point de vue des enfants. Avec des yeux presque innocents, il nous présente le destin de jeunes Libanais téméraires prêts à sauver leur pays en réactivant l'électricité coupée. Il y évoque les difficultés du quotidien dans ce pays du Proche-Orient, alors sous l'autorité d'Amine Gemayel et en équilibre politique instable. C'est dans une ville angoissée par les bombardements qu'évolue toute une galerie de personnages : Mustapha et Mohammed, mais aussi Bassam et Sarah, deux jeunes recrues, ou le garagiste fan de foot, un peu lunaire. Ruines et immeubles éventrés viennent cadrer un quotidien presque banal mais en réalité difficile. Ce qui permet aux auteurs de superposer différents niveaux de lecture et de perception des évènements : des adultes inquiets de voir leurs enfants disparaître la nuit, et des enfants insouciants ou irréfléchis, téméraires et déjà idéalistes, car investis d'une conscience politique. Ce qui peut paraître grave à cinquante ans devient frivole à quinze ans. Avant les bombardements, les enfants s'amusent, tentent de planter des arbres à sous ou s'envoient des petits parachutes piégés, farce-attrape sans conséquence. Une tension narrative naît alors de ce décalage entre regard enfantin et réalité violente. Mais c'est bien le réel qui finira par rattraper tout ce petit monde dans la contrainte de l'exil. Pour illustrer cela, Xavier Jimenez use d'un noir et blanc tour à tour lourd et sombre, léger et expressif, pour un résultat qui interpelle autant qu'il fait réfléchir, et que l'on suit globalement avec intérêt.