L'histoire :
Karl vient de prendre sa retraite. Il retrouve son ami pour en discuter. Autour d'un verre, celui-ci lui glisse qu'il devrait en profiter pour voyager. En Italie, par exemple ? Lui en rêverait, mais il doit s'occuper de sa famille, il ne peut pas faire ce qu'il veut. Karl aimerait être dans la même situation que son ami, mais il n'a plus aucun contact avec sa fille, Hella, depuis huit ans. Où habite-t-elle ? Qu'est-elle devenue ? Il n'en a pas la moindre idée et cela le peine. Pourtant, il ne veut pas faire le premier pas, reprendre contact avec elle. Si elle ne lui parle plus, c'est qu'elle ne veut plus qu'il se manifeste... Son ami l'encourage à lui envoyer une lettre. Peut-être n'attend-elle que ça, que son père renoue des liens ? Les deux hommes retrouvent leurs amis dans un bar. Ils parlent de tout et de rien. Mais très vite, la conversation va tourner autour des amours de Karl : a-t-il une femme dans sa vie ? Bourlingueur comme il est, maintenant qu'il est libre et qu'il a du temps, sans famille sur le dos, il va pouvoir profiter ! En rentrant chez lui, ces échanges tourmentent Karl. Sa fille ne sait pas qui il est vraiment, ses amis l'ignorent eux-aussi. Il se l'est longtemps caché à lui-même, mais il n'a pu échapper à cette réalité : il aime les hommes. Cela lui a d'ailleurs valu une vie mouvementée, pleine de tourments, de rencontres et d'histoires brisées. Car dans la période d'après-guerre, et jusqu'aux années 1980, l'hétérosexualité est la norme, et l'homosexualité est un délit. Comment se construire, s'accepter et être heureux dans un monde qui nous dicte ce que l'on doit faire ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Né dans les années 80, Matthias Lehmann a passé une partie de son enfance dans l'ancienne RDA, avant de la voir évoluer au sein de la RFA lorsqu'il était adolescent. Ce contexte a sûrement dû lui inspirer une partie de l'histoire qu'il nous raconte à travers Une vie en parallèle. Ici, nous suivons un vieil homme, Karl, qui va se remémorer le fil de sa vie, tout en tentant de mettre de l'ordre dans ses idées, et de renouer le contact avec sa fille. Nous alternons entre cette période de retraite et ses souvenirs avec, en toile de fond, une Allemagne d'après-guerre où tout reste à reconstruire. Et notamment les mentalités qui sont encore très étriquées, qui suivent un schéma d'hétérosexualité normative, et qui condamnent fermement toute autre forme de désir ou d'amour. Karl y sera confronté, tout au long de sa vie. Il se sentira attiré par les hommes. Même s'il tentera de refouler ces sentiments et de se calquer sur un mode de vie dit « ordinaire », il se fera toujours rattraper par ses désirs. Cela lui vaudra de nombreuses déconvenues : arrestations, pris sur le fait à plusieurs reprises, ruptures consécutives avec ses épouses, et par extension avec sa famille. Il se retrouvera isolé, seul avec son secret, incompris et malheureux. Le scénario est poignant et touchant, et l'on traverse cette vie difficile avec lui. Nous sentirons une évolution du personnage avec l'âge, et une envie de pouvoir enfin s'affirmer aux yeux du monde. Le cheminement sera très long, l'histoire de toute une vie. Les illustrations en noir et blanc viennent ajouter à l'ambivalence des sentiments du personnage, à ses contradictions. Sur certaines cases, il sera parfois un peu difficile de distinguer quel protagoniste s'exprime, ce qui casse un petit peu le rythme de lecture. Malgré cela, les quelque 460 pages se lisent d'une traite.