L'histoire :
De nos jours, en France. Une mère et son fils se présentent à la porte d’un petit immeuble d’une rue tranquille. Ils viennent visiter un vieux monsieur qui habite plus haut dans les étages. Ils l’ont prévenu la veille de leur arrivée. La maman a remis à l’enfant un paquet à son intention. Mais l’accueil est glacial. Sans plus d’explication, le vieil homme refuse de les recevoir et leur claque la porte au nez. Sa femme, restée au salon, désapprouve sa conduite. Claquer la porte au nez d’un enfant, quand même ! Alors que son fils la supplie de rentrer chez eux, la mère décide de glisser une enveloppe sous la porte. Elle semble comprendre l’attitude du retraité, même si elle la regrette. Son fils et elle ont fait pourtant un si long voyage… Printemps 1915 en Turquie. Hassan revient de la ville où il a fait de bonnes affaires. La guerre bat son plein et l’on trouve des tapis et autres denrées pour une bouchée de pain. Le gouvernement mène la chasse aux Arméniens et les exproprie. L’occasion est propice de s’enrichir à peu de frais. Sur son lit de mort, son père va cependant lui confier une autre mission : celle de conduire auprès de leur oncle, en sûreté, deux enfants prénommés Maryam et Vartan. Une promesse faite devant Dieu, que le fils devra tenir pour son père. Malgré la langue et l’incompréhension des autres villageois qui redoutent les représailles de la police jusque dans les villages des montagnes les plus éloignées…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La réalité de la tragédie arménienne, survenue durant la première guerre mondiale, ne fait aujourd’hui plus débat. Le terme de génocide, en revanche, continue de diviser. L’Etat turc refuse encore de reconnaître sa responsabilité dans l’organisation des déportations et massacres perpétrés (…). A l’occasion des cent ans de la commémoration des faits, Stéphane Torossian et Jean-Blaise Dijan ont accepté de mettre en images l’indescriptible, adapté d’un scénario original du producteur Gorune Aprikian. Imaginant les retrouvailles d’une famille séparée par les horreurs de la guerre, il montre combien Arméniens et Turcs sont consubstantiellement liés, comme des frères de sang. Et combien, pour bâtir leur avenir, il est essentiel que tous partagent leur passé commun. Très intelligemment, il n’est pas question de chercher ici des coupables ou d’accabler tel ou tel. L’intrigue relate de façon très factuelle le destin de jeunes protagonistes emportés bien malgré eux dans la tourmente de l’histoire. Une – juste – part des choses est faite pour comprendre la place de chacun et replacer l’attitude parfois révoltante de l’un, l’une ou l’autre. Au final, la frontière entre bourreau et héros se révèle bien ténue après examen des faits. Un sauveur qui aurait pu être oppresseur ; un oppressé qui n’a pas tout fait pour sauver sa sœur (…). Le choix d’un graphisme N/B était sans doute d’évidence, figeant les images dans nos mémoires, offrant à la fois une distance avec le sujet et l’authenticité nécessaire au propos. Le format aurait pu être plus grand pour plus de percussion encore. Mais dure et néanmoins sincère, cette lecture se révèle être une main tendue en forme de réconciliation. A noter qu’en fin d’album, un cahier historique permettra au plus curieux d’en apprendre davantage.