L'histoire :
Sur les routes sinueuses qui mènent à Syracuse, une voiture rouge fend l’air lugubre. Matteo, mycologue de profession, se rend dans la ville de son enfance pour y donner une conférence. Mais à partir de la rencontre avec un auto-stoppeur inquiétant et une sortie de route inopinée, plus rien ne va se passer normalement. Arrivé à destination, Matteo redécouvre une Syracuse métamorphosée. Il erre dans une cité devenue un véritable labyrinthe de décombres et de souvenirs et croise de vieilles connaissances qui se débattent dans un monde corrompu par la Piovra Nera, organisation tentaculaire qui a la mainmise sur la ville. Lui-même, en tant qu’ancien membre de cette pègre, est confronté à ses propres démons. Ainsi rattrapé par son passé, il se lance dans une fuite éperdue. Guidé par Salvatore, l’animateur d’une mystérieuse radio pirate, il trouvera également une aide précieuse auprès de la botaniste Grazia, qui semble se détacher de cet univers où le temps et l’espace obéissent à des lois étranges…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Pierre Duffour, Alexandre Kha – deux noms qui font mouche pour les lecteurs de bande dessinée étranges et poétiques. Déjà plus de vingt et trente ans que ces deux-là publient, le premier révélé par l'Association en 1991, avec un style minimaliste, aux formes carrées, mettant en scène des personnages anthropomorphes à tête de chat. Ses publications restant attachées jusqu' à aujourd'hui à des éditeurs alternatifs tels Rackham ou la Cafetière. On le croise à l’occasion dans des fanzines. Alexandre Kha, lui, vient de Lyon, révélé par le fanzine Rhinocéros contre éléphant en 2001, auprès duquel il est resté attaché, lorsque la publication a muté en la maison d'édition Tanibis, publiant son premier album en 2007. Lui aussi auteur complet, et ne détestant pas non plus les personnages anthropomorphes à tête de chat, il goûte ce même amour pour les récits fantastiques et oniriques bercés d'insouciance juvénile, au moins dans le trait. Les deux étaient donc faits pour se rejoindre un jour. Pour ce nouvel album, le plus jeune laisse cependant sa place de dessinateur à son aîné, pour un récit surfant sur les codes du cinéma fantastique expressionniste façon Cabinet du docteur Caligari. Décors étranges aux formes et architectures tordues et mouvantes, dédales de ruelles et d'escaliers, ombres furtives et fausses... Il y a aussi un peu du Troisième homme (Carol Reed, 1958) dans ces Fantômes de Syracuse, tout comme un peu du Carnaval des âmes (Herk Harvey, 1962), mais on aimerait tout autant comparer cette œuvre au classique BD la Comète de Carthage d'Yves Chaland, qui possédait aussi ce genre de charme fantomatique. Au-delà de ces belles références, on est conquis par l'histoire originale, convoquant entre autre le diable, la mafia et la mycologie, mais aussi le tempo du récit et ses personnages attachant. Plusieurs lectures nous raviront. Vous l'avez compris, il s'agit d'un nouveau bijou concocté sous les bons auspices d'un éditeur lyonnais décidément bien inspiré et accompagné. Sous le charme.