L'histoire :
Sous le soleil, la répression policière. Sous la lune, des fantômes de pluie, des morts et des couples séparés. Une prison et une tentative de fuite, un parapluie qui sonne le glas, des saignements, de la neige et des larmes, des corps qui s'ouvrent et se déforment sous le poids du réel, des solutions aqueuses pour bénir ou expérimenter, des tableaux vivants d'une humanité qui cherche une vérité dans la foi ou les rêves. Une certitude : vous ne vous baignerez jamais deux fois dans le même fleuve...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Selon le dico, le Ressac est le retour violent des vagues sur elles-mêmes lorsqu'elles se brisent sur un obstacle (le réel ? La vérité ? L'immortalité?). Mais c'est aussi le nom d'une contrainte narrative oubapienne proposée par Alex Baladi. Le jeu se joue en fait à deux (auteurs) : le joueur A (ex : L.L. de Mars) fournit un strip de trois cases et le joueur B (ex : Choi Juhyun) lui fait écho en répondant par quatre cases qui devront s'intercaler dans le récit, tout en étant lisibles, de façon autonome. Puis le joueur A intercale à son tour trois cases venant remplacer sa contribution initiale... L'idée étant de former un va-et-vient continu, un dialogue heurté ou suspendu de vagues graphiques déferlantes, métaphore de l'éternel retour. Stimulant et ludique, Ressac commence par interpeller. Trois ou quatre cases en page de gauche, et sa reformulation en sept cases sur la page de droite. Ensuite, l'histoire prend le pas sur le dispositif pour ne laisser vivre qu'un mouvement naturel et fluide, dans une démarche « proche de la mécanique du rêve ». L'élément liquide étant le trait d'union ou la matrice plus ou moins diluée d'un récit aux atours crépusculaires : on voyage d'un système concentrationnaire qui atomise vers l'intérieur d'un corps organique plein d'humeurs (eau, sang, encre), en passant par l'illusion du progrès scientifique et le songe des religions. Dans cette mystérieuse symbolique du voyage portée par un étrange surréalisme, des éléments disparaissent, d'autres émergent, les images se détachent dans le néant et hantent comme un terrifiant cauchemar pour resurgir dix pages plus loin, désintégrées ou régénérées, et ainsi dévoiler l'essence même des éléments. Descente cathartique aux origines, images d'un inconscient en mouvement perpétuel, définition d'une réalité psychique avec son propre mode de fonctionnement, désir profond d'un changement intérieur né d'une insatisfaction, l'onirique et muet Ressac invite à prendre le temps, à fantasmer ou rêver des mondes, à aiguiser le regard. Pour se laisser bercer, finalement, par le flot cadencé de chimères inattendues. Sans surprise, une œuvre libre et radicale pour l'impénitent L.L. de Mars et la surprenante Choi Juhyun, qui interroge la forme pour mieux faire émerger le fond. Une manière pour le lecteur de « s'immerger dans les eaux pour en ressortir sans s'y dissoudre totalement, sauf par une mort symbolique » (Chevalier, Gheerbrant). Un très beau concert à deux voix, catalyseur d'imaginaires.