L'histoire :
En 1929, l’URSS Stalinienne a depuis huit ans adopté la Nouvelle Politique Economique, visant à réinsérer au cœur du socialisme d’Etat un zeste de capitalisme… Prissypkine, ouvrier et membre du Parti, profite de l’aubaine pour élever son rang social en épousant la fille d’une coiffeuse. Soucieux de ses fastueux préparatifs, il délaisse brutalement son ancienne compagne, Zoïa, qui se tue d’une balle dans la tête. Déjà excédés de cet embourgeoisement, ses camarades du foyer de jeunes travailleurs le flanquent à la porte à l’annonce du drame. Et vient le jour du mariage « en rouge et sans dieu » : au cœur de la beuverie, un incendie se déclenche, tuant tous les convives, sauf un, resté disparu. Cinquante ans plus tard, le corps réapparait congelé dans une cave : le gouvernement vote en faveur de sa ressuscitation…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
… Tandis que les éditions Hoochie Coochie redonnent vie à cet ouvrage de Macha Poynder, originellement publié en 1985. Broché sans dos pour une plus grande horizontalité des doubles planches, doté d’une nouvelle couverture, moins burlesque, plus engagée, il revêt pourtant toujours son rouge criard qui traverse à géométrie variable les pages. Le rouge du communisme, bien sûr, sujet de ce récit satirique qui se moque des « nepmans », ces anciens révolutionnaires de 1917 désireux de s’enrichir grâce à la nouvelle libéralisation économique. Le récit, en deux parties, présente initialement l’un de ces nouveaux bourgeois, à l’aube de son ascension sociale, et projette dans un second temps une société futuriste (1979 !) qui retrouve cet homme, et l’animalise, en écho à la punaise qui l’accompagne dans le temps. Macha Poynder prélève de courts fragments de la pièce originelle, écrite en 1928, qu’elle transpose en images gravées. Fonctionnant ainsi par métonymies et ellipses, le récit est malheureusement confus, notamment en première partie, si l’on ne connaît pas le texte de Maïakovski. Plus qu’une adaptation, cette bande dessinée est ainsi davantage à envisager comme une variation graphique. L’humour cinglant du poète russe s’y pénètre dans la large typo des textes, qui semblent donner aux voix le timbre outré d’une comédie théâtrale, ainsi que dans l’énergie donnée aux décors et personnages, comme en équilibre toujours instable. L’illustratrice, peintre et photographe choisit judicieusement la gravure comme matière à cette traduction graphique : à la même époque, se développaient en effet les romans gravés, initiés par le flamand Frans Masereel, par 25 images de la passion d’un homme. Ces livres muets se composaient de planches en noir et blanc, au contraste puissant, et donnaient voix, entre réalisme et fantasmagories, à l’idéologie socialiste. La Punaise, sans son rouge, semble tout droit sortie de cette époque. Les temporalités n’en finissent pas de se télescoper… Un livre énergique, à remettre dans ses perspectives historiques et artistiques, sous peine de passer à côté de l’essentiel.