L'histoire :
Bonie, jeune singe de la tribu des Bononos, est atteinte du virus de Zarako (enlevez une voyelle et vous aurez compris). Ce virus terrible pousse ses victimes à proférer sans cesse des vérités toutes faites, qui irritent leurs congénères. Pour guérir Bonie, son père Badin n'a qu'une solution : l'emmener manger l'écorce du Vénéré Bonzaï, de l'autre coté de l'ile. La traversée de Badin et Bonie va leur permettre de croiser tout ce que ce territoire compte de groupes d'influence dans leurs villages autonomes. Ils vont rencontrer successivement les bonobabos, tribu libertaire tiraillée entre la tolérance extrême et la ghettoisation, les vallées de fous et Horror city, où sévissent des milices érigeant l'intolérance en mode de vie. Pendant ce temps, Selo, jeune amie de Bonie, cherche également à atteindre le Vénéré Bonzaï par l'autre coté de l'île, en compagnie d'un loup. Elle aussi va croiser des villages symboles de cette société désespérante : la Fabrique de la Rumeur où se créent les plus improbables ragots, puis Fric City et Radicale Toundra, respectivement symboles du pouvoir de l'argent, et de la révolution guévariste (les ânes y portent un béret orné d'une étoile rouge). Les références au monde politique actuel se succèdent, dessinant à trait appuyé les turpitudes qui traversent la société française et ses représentants les plus caricaturaux.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Surfant sur la vague très rémunératrice des albums BD de satire politique, La Pire Espèce est loin de se situer en modèle du genre. Exception faite du jeu qui consiste à reconnaître, dans chaque situation ou chaque personnage, une caricature du quotidien politique qui nous englobe, l'album est une suite de poncifs plutôt édifiants. Les positions contradictoires de l'extrême gauche, le manque de scrupules de la presse à scandales, les dangers du net, la cupidité des banquiers, l'intolérance raciale et religieuse, rien ne nous est épargné dans cette critique exhaustive. Le fil rouge de l'intrigue est constitué des citations de Bonie, tour à tour profondes ou choquantes, et dûment restituées à leurs auteurs dans le lexique en fin d'album. Mais que reste-t-il au lecteur une fois qu'il a compris que le chanteur plein de bons sentiments à deux balles n'est autre que Cali ? Et une fois qu'on a reconnu Cali, que doit-on faire sinon tourner les pages en attendant la prochaine allusion à un parti politique, à un spectacle de Dieudonné, à la fortune dilapidée de l'héritière de l'empire l'Oréal, aux ravages provoqués par l'extrême droite dans Horror City. On devine la volonté de mettre de vraies références derrière l'humour potache des pages (probablement quelques noms cachés nous échappent-ils encore). Mais à vouloir trop en mettre, ils n'esquissent que des piques superficielles. Il ne suffit visiblement pas de rassembler deux personnalités comme Agathe André (ex-reporter à Charlie Hebdo) et Richard Malka (avocat et auteur de scénarios « sérieux » de BD) pour réussir un album drôle, malgré l'apport du dessinateur Ptiluc. La lecture de cet épais recueil de 90 pages est en effet laborieuse et parfois confuse. La sensation de vouloir absolument arroser toutes les tendances politiques finit par user le lecteur, par ailleurs moyennement amusé par certains noms de partis politiques, dignes d'une cour d'école primaire (Union Majoritaire des Porcs ou Nouveau Parti des Anes).