L'histoire :
Manipulant à fond de cale les tonneaux d'huile prélevés sur le dernier cachalot tué par l'équipage, Queeqeg perd ses forces et frôle la mort. L'incroyable compagnon d'Ismaël ne peut pas envisager de perdre la vie au milieu de l'océan et demande que lui soit construit un cercueil. Mais au moment de s'allonger pour son dernier souffle, il reprend vie dans une sorte de renaissance hallucinée qui fascine l'ensemble de l'équipage. Starbuck prend conscience que malgré ses tentatives de convaincre son capitaine, Achab ne renoncera pas à sa quête de vengeance. Et que, quoi qu'il en coûte il ira jusqu'au bout de sa poursuite de Moby Dick. La baleine blanche qui lui a déjà coûté l'amputation d'une jambe est localisée dans les eaux du pacifique, que la bateau va alors rejoindre. Face aux réticences d'une partie de ses hommes, Achab montre l'exemple, prenant place sur le pont et dirigeant toutes les manœuvres. Les hommes subjugués le suivent, poussés à la fois par le respect de son autorité et l'admiration de son courage sans limites.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Christophe Chabouté vient de franchir un cap, hissant son art au niveau de l'oeuvre hallucinante d'Hermann Melville, dans une épopée hypnotique sans précédent. L'auteur s'empare du classique de la littérature américaine comme d'une matière noble qu'il transforme et sublime, pour en livrer une vision personnelle et formidablement respectueuse. Le symbole de cette fusion est la remarquable page 42 qui voit Achab faire face à son équipage, lorsque le pont du bateau est frappé de la lueur d'un éclair. Les noir et blancs s'inversent de manière impensable, frappant le lecteur comme un rêve prémonitoire. La rupture entre les deux tomes de cette adaptation est frappante, totalement justifiée par le basculement d'Achab vers la pure folie de sa fuite en avant. Chabouté utilise le temps qu'il s'est donné pour insérer de longues séquences muettes qui sont parmi les plus poignantes de ce récit. C'est lors de ces passages fascinants que, sans un mot, la bande dessinée rejoint la littérature, dans une dimension nouvelle. Chabouté n'a plus de maître en ce bas monde. L'héritier contemporain de Milton Caniff, Hugo Pratt ou Didier Comès a créé son propre univers, qui devient ici une référence absolue. Moby Dick est une lecture marquante, une oeuvre d'art sans concession, une expérience inoubliable.