L'histoire :
Dans la région du Mississippi des années 20, Slim Whitemoon est persuadé d'avoir un bon mojo qui veille sur lui. En effet, à peine son pote Charley a-t-il passé l'arme à gauche, que lui se tape sa bonne femme. Puis son désir d'aventure et d'autonomie le pousse à partir vers le nord, une guitare pour seul bagage, et pour seul projet de chanter son blues à tous les coins de routes. Le plus fidèle compagnon, à qui il acceptera de faire la discute, sera le fantôme imaginaire de Charley. Slim attrape donc un train de marchandise au vol et sympathise à bord avec Tom, un autre hobbo féru d'harmonica. Ensembles, ils font route vers Chicago en jouant quelques morceaux de leur composition, persuadés de trouver la prospérité là-bas. Leur première impression est pourtant celle de la température : Chicago est alors balayé par une tempête de neige. Une traque de la part de policiers ségrégationniste les sépare. Puis, alors que Slim joue frigorifié sur le trottoir en faisant la manche, il est repéré par un bedonnant bonhomme : le célèbre Blind lemon Jefferson. Celui-ci l'invite à l'accompagner à la guitare le soir venu, lors d'une soirée privée. Les filles y sont jolies, l'alcool coule à flots, le duo de blues formé est de qualité : décidément Slim a un bon mojo. Il repart avec 50 dollars en poche et squatte désormais à l'œil chez deux copines aux mœurs légères et au porte-monnaie bien garni : elles tapinent pour se faire du blé...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a, comme ça, des thématiques dans l'air du temps. Dans l'intervalle d'un même mois, les origines du blues se trouvent en effet portées au 9e art à travers 3 œuvres de qualité. En marge de Lomax (de F.Duchazeau chez Dargaud) et Bourbon street (de P.Charlot et A.Chabert chez Bamboo), voici donc Mojo, au sein de la collection de prestige Integra – qui donc, n'est pas réservée qu'à Chabouté. Les prémices du rock avaient déjà inspiré Rodolphe et Georges Van Linthout à travers leur biopic de Gene Vincent. Le Mojo (prononcez phoenétiquement « maodjo » avec l'accent apache), est ce qu'on peut appeler la bonne étoile, ce petit paramètre de chance (ou de malchance) qui façonne les destins. Ici, nous suivons celui d'un artiste de blues, fictif, mais qui représente à lui seul nombre de tranches de vie authentiques de musiciens noirs des années 30. Parti de rien, son talent lui assurera une petite popularité, qui culminera lors d'une tournée anglaise à un âge déjà bien avancé, avant qu'il ne redevienne plus rien. Un schéma certes classique, sans sensationnalisme aucun, mais tellement réaliste... Pour ce roman graphique de plus de 180 planches, Georges Van Linthout jette sur le papier son dessin en noir et blanc semi-réaliste spontané, rehaussé d'un lavis gris, qui convient parfaitement au ton du road-movie musical. A la suite du héros Slim – dont le fameux mojo s'avèrera ni plus ni moins standard – on se laisse agréablement porté par la joviale mélancolie chantée par les bluesman de l'époque...