L'histoire :
A 16 ans, Helena a beau habiter un somptueux château, elle est bien malheureuse. Elle a pour seule compagnie un majordome et une gouvernante taciturnes, et pour divertissements les épisodes du feuilleton Le prisonnier. De temps en temps, son grand frère et son grand-père sont de passage, mais leurs emplois du temps sont trop précieux pour qu’on autorise l’adolescente à les perturber. Ce jour là pourtant, le majordome aborde un problème d’infiltration d’eau dans la cave. Un mur risque de s’effondrer. A l’affut de la moindre aventure, Helena espionne les 3 hommes jusqu’au sous-sol et entend parler d’un mystérieux prisonnier qui risquerait de s’échapper si le mur n’était pas consolidé. C’en est trop pour sa curiosité, elle part en expédition la nuit même. Après avoir éboulé un mur pourri et ouvert une lourde porte métallique, elle pénètre dans une pièce habitée… d’un homme-lion ! Ce dernier a beau être courtois, en deux mouvements il a maîtrisé Helena et l’emporte sur son épaule, pour s’assurer d’une évasion discrète. A travers la campagne puis sur le toit d’un bus attrapé au passage, le mystérieux personnage rejoint New-York et se réfugie dans un squat. Là, il raconte son histoire à la jeune fille. Il se nomme Mensah, il est âgé de plus de 500 ans, il vient d’Afrique, il est l’esprit du temps futur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au-delà de l’aventure fantastique vécue par Helena, ou de la légende africaine racontée par Mensah, ce premier tome augure d’une parabole fascinante sur l’âme africaine et son ignominieux dépouillement par la civilisation blanche. Ce synopsis s’inscrit certes dans une mode actuelle de mea culpa post colonial auto-flagellateur, il reste tout de même emblématique d’une situation peu reluisante. L’Afrique, terre d’harmonie et de nature, berceau de l’humanité, subit effectivement aujourd’hui les aléas de nos logiques capitalistes, et ce dans le plus grand mépris international. En abordant ce vaste sujet avec une naïveté assumée, Olivier Jouvray donne plusieurs lectures à l’œuvre. L’aventure et le conte, très divertissants, passent le relais en arrière-plan à la critique politique et à la vision humaniste. On nage ainsi à cheval sur plusieurs genres, quelque part entre le thriller ésotérique, l’heroïc-fantasy, le récit d’aventure pur jus… Ce qui n’empêche pas l’intrigue d’être limpide et rythmée, d’une lisibilité exemplaire. Le tout est mis en relief par le dessin classieux du talentueux Jean-Philippe Kalonji (O’Mallet, Las Chicas) et une colorisation faite d’aplats modernes, signée Anne-Claire Jouvray. Si la force d’un récit est de parvenir à limiter les dialogues pour raconter une histoire, cela s’avère aussi un léger défaut, celui d’être lu un peu rapidement. Mais c’est un détail, tant ce premier épisode est réjouissant et intelligent. Attention : série très prometteuse !