L'histoire :
Les poilus sont ces soldats français de la Première Guerre mondiale qui ont vécu l’horreur des tranchées : boue, cadavres, manque d’hygiène, rats. En face, l’ennemi, le Boche, celui qu’il faut éliminer. Mais pourquoi lui, au juste ? Quelle est la raison de cet acharnement ? Les soldats écrivent à leur famille et racontent leur quotidien : sous la pluie, dans une odeur effroyable de charnier, chacun pense que sa dernière heure est venue. L’ennemi, ils savent à peu près qu’il est prussien… Pour le reste, ils ne savent pas trop pourquoi ils doivent se battre… La mort rôde en permanence, plus que jamais prête à leur passer le bonjour…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Des lignes du front est un ouvrage antimilitariste expérimental sur la vanité de la guerre en général et la diabolisation de l’ennemi en particulier. La BD propose une double version inversée, avec une première partie en français qu’il faut ensuite retourner pour lire la seconde, la même mais en allemand. Les dialogues, économes et sans animosité, sont ici des extraits de lettres envoyées par des poilus lors de la Première Guerre mondiale. Ils y font part de l’horreur de la guerre, de son absurdité et de sa violence inédite. En face, un ennemi à peine identifié qu’il faut d’abord diaboliser, pour avoir le courage ensuite de le tuer. Car c’est moi ou lui au final…Présenté sous la forme d’un dialogue intéressant, la BD interroge aussi la guerre et ses conséquences : la déshumanisation et la folie qui en découlent, pour des hommes retournés à l’état animal, pour lesquels l’instinct de survie est la règle. Si le message est classique ici, c’est plutôt le traitement graphique qui interpelle ou laisse perplexe. Les auteurs ont fait le choix, en effet, d’un curieux parti-pris : une mise en image d’inspiration photographique en un clair-obscur épuré tendant vers un expressionnisme froid et clinique. Le résultat est ambigu : le graphisme dit bien l’enfer que fut cette guerre, mais il a tendance aussi, sans le vouloir, à l’esthétiser. Bien équilibrée néanmoins et sans manichéisme, la BD exprime ainsi deux points de vue : l’un français avec les textes de poilus, l’autre allemand par le dessin. Reste donc un livre-objet expérimental et antimilitariste à l’ambition formelle assumée, en forme d’hommage à ces hommes de l’ombre que furent les soldats. Pourquoi pas...