L'histoire :
Le 14 avril 1861, une première bataille oppose les yankees, soldats de l’Union, aux confédérés « rebelles » des Etats du Sud. A l’époque, le Nord, plus industriel, veut offrir l’abolition aux esclaves noirs africains ; le Sud entend bien conserver l’asservissement sur la masse laborieuse bon marché qui assure sa prospérité économique. Sur l’île de Fort Sumter, les confédérés tirent en premier. 14 heures durant, leurs boulets de canon s'abattent sur les fortifications en pierre. Ce jour-là, il y a peu de victimes… A priori, le seul mort côté Union est causé par un canon défectueux qui explose. Mais Fort Sumter est perdu, les confédérés ont gagné leur première bataille. Malgré les efforts de Lincoln pour empêcher un conflit civil, les tensions politiques sont trop vives, depuis de trop nombreuses années. La première grande bataille meurtrière, celle de « Bull Run », se déroule à proximité de Centreville, en Virginie, à 60km de Washington, le 21 juillet 1861. Aucune des deux armées n’est alors franchement préparée. Les nordistes sont toutefois persuadés de l’emporter facilement. Ce sera pourtant une lamentable déroute pour eux, le tout sous le regard incroyable d’une foule de civils et de politiciens venus pique-niquer en assistant au spectacle depuis une colline voisine…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les quatre années de guerre de sécession aux USA (d’avril 1861 à avril 1865) ont fait entre 620 000 et 850 000 morts. Les corps à corps furent souvent sanglants, jusqu’au-boutistes, ce fut une boucherie. Le conflit qui opposa les états du Nord aux états du Sud, selon une ligne frontière relativement bien marquée (la « ligne Mason-Dixon »), se crispa autour de la question de l’abolition de l’esclavage. Emmené par le président Lincoln (assassiné juste après), le Nord a gagné. Ainsi l’esclavage a été aboli, mais la question raciale perdure aujourd’hui (cf. le mouvement Black lifes matter). Comprendre les germes et le périmètre de ce conflit, c’est donc comprendre beaucoup de choses à propos de la question raciale, de ce qu’elle est capable d’engendrer encore de nos jours. Depuis notre prisme franco-belge, ce sont les truculentes Tuniques bleues qui nous en causent « le plus » en BD. Et pourtant, malgré les efforts de Raoul Cauvin pour s’inspirer d’épisodes authentiques du conflit, ça n’est certes pas la série la plus didactique à ce sujet. Epais et imprimé au format à l’italienne, Lignes de front se propose de compenser cette mission didactique, historique, mémorielle. Dans cet ouvrage importé des USA, s’alternent de manière globalement chronologique une quinzaine d’historiettes indépendantes, qui portent le focus sur différentes dimensions de la guerre. Chacune est introduite par un faux article de journal, qui resitue le contexte et les éléments historiques. Généralement, cela part d’un objet commun (des jumelles, une brique, une balle, une photo…) pour finalement finir sur un destin fauché, mettant en perspective une bataille tragique, une décision politique aberrante, une injonction contradictoire. La narration emmenée par Ari Kelman n’est pourtant pas la plus immersive : on peine à chaque fois à s’identifier, à saisir l’orientation du propos. Mais elle a le mérite d’être factuelle, extrêmement bien documentée et elle offre un joli panorama de points de vues. Complété d’une colorisation au lavis sur une gamme restreinte de teintes éteintes, le dessin de Jonathan Fetter-Vorm est lui aussi très sobre. Il montre cela dit par moment de larges scènes saisissantes de réalisme : des lendemains de champs de batailles, des combats dantesques, une amputation insupportable, des charniers, le creusement de tranchées… Sans doute le graphic-novel le plus didactique jamais produit sur la guerre de sécession.