L'histoire :
Trina Robbins « Perechnuldik » (de son nom de jeunesse), née en 1938, est issue d'une famille juive de Biélorussie. Vivant à New York avec sa sœur et ses parents, elle est baignée dans la littérature et le dessin par sa mère, et les vêtements par son père, tailleur lui-même. Trina était tellement habituée à s'habiller avec les affaires de sa sœur Harriet, qu'elle prit la marotte de confectionner ses propres tenues. Fan de comics et de SF, elle commença à fréquenter les premières conventions. Pour sa première et unique année de fac, elle déménagea à Los Angeles en 1960. Là, elle se mit à fréquenter le gotha de la scène alternative des années soixante. Petite amie d'Harlan Ellison, elle fréquenta aussi Forest J.Akerman, qui lui proposa de faire le mannequin, avant d'intégrer la scène musicale folk puis hippie, comme modéliste, et ouvrit des boutiques de vêtements artisanaux, où elle habilla ses amis et bien d'autres branchés du Sunset trip. Elle habita en communauté au Laurel Canyon et est d’ailleurs citée dans la chanson éponyme de Joni Mitchel. Ses relations avec le milieu underground des comics lui ont permis de placer des dessins, puis des histoires, dans la presse et les premiers fanzines, où elle prend cependant conscience du peu de place des femmes et surtout du machisme ambiant. Petit à petit, et avec détermination, elle va imposer sa voix, faire partie des premières conventions de comics, dont celle de San Diego, et revendiquer la place d'une BD féministe, grâce au premier comics du genre : It Ain't me Babe, puis Wimmen comics, et être à l'origine de collectif défendant la cause des séropositifs, puis des communautés Gay LGBT.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2019, l'éditeur Komics initiative, bien inspiré, proposait sur Ulule la traduction de l'intégrale de Wimmen's Comix, précédemment publié aux USA par Fantagraphics. Un double volume sous coffret, complètement improbable, qui faisait découvrir pour beaucoup cette Super Woman à un public français ayant pourtant déjà eu l'occasion de lire son nom au sein des neuf numéros de Ah ! Nana, la revue féministe française, petite sœur de Métal hurlant, éditée par la femme de Jean-Pierre Dionnet de 1976 à 1978. Si d'autres rares publications collectives, chez Nada surtout, ont été proposées depuis, avec quelques pages de son cru, c'est surtout vers le coffret Wimmen's Comix que l'on se tournera pour apprécier sa part artistique. Quant à cette biographie, elle est bien écrite, avec passion et humour, et souvent sans langue de bois, mais est surtout fascinante, avec un certain nombre de photos et d’illustrations originales en noir et blanc. Elle intéressera tous les amateurs des années cinquante à quatre-vingt du milieu des fanzines, de la science-fiction, de la mode et du comics, citant un nombre incroyable de grands noms et des anecdotes de premier choix. La vie de Trina Robbins est tellement riche que ce petit bouquin en vaut mille. C’est la voix d’une femme engagée, passionnée, n'ayant jamais baissé les bras, même lors du cancer du sein qu'elle a dû affronter et vaincre (!?) à l'âge de 70 ans, avec courage. Il s’agit d’un who's who Rock et BD revendicatif, plein d’humour, à lire impérativement ! Merci à l’équipe de Bliss, elle aussi engagée, pour ce cadeau bienvenu.