L'histoire :
Dans le Paris des années 20, Ernest Hemingway, Scott Fitzgerald, Erza Pound et James Joyce fréquentent les mêmes lieux branchés de la capitale. Dessinateurs de BD, ils vivent les mêmes galères : refus des éditeurs, pages à rendre, en retard… Surtout, la vie d’artiste ne nourrit pas son homme et Zelda, la femme de Scott, s’ennuie dans ce quartier latin où on ne parle que gomme et crayon. Son mari, nostalgique de l’Amérique, n’a pourtant guère le choix car le monde entier est à Paris. A la librairie « Shakespeare et Company » ou griffonnant au café du Dome, Ernest cherche l’inspiration. Gertrude Stein n’a de cesse de le rappeler à l’ordre et de lui interdire la facilité. Inquiet pour le bonheur matériel de son fils et de sa femme, il assiste un jour à un vol à la tire. Le déclic. L’argent, ils n’ont qu’à le voler. C’est sans compter sur Zelda, une manipulatrice égocentrique et folle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après un premier essai en couleurs, Je vais te montrer quelque chose, déjà aux éditions Carabas, Jason récidive « mystérieusement » avec ce portrait d’Hemingway et de ses co-disciples, en lice pour le prix du meilleur scénario à Angoulême (2006). Mystérieusement, car l’auteur qui affectionne la forme animalière, est atypique. Polémique ? Son dessin épuré, simpliste voire caricatural, lui offre cependant la faculté d’être compris de tous. Norvégien, traduit et publié aujourd’hui un peu partout en Europe comme aux Etats-Unis, Jason est assurément un auteur reconnu et cosmopolite. Le regard vide de ses personnages, qui se ressemblent tous, n’en demeure pas moins très expressif, sensible et attachant. Sans doute, le Scandinave, au travers d’une narration au rythme quasi invariable, sait-il jouer avec les codes et saisir les postures « vraies » de personnages malmenés et dépassés. Le récit se compose d’une première partie exposant toute la pathétique (et la gloire !) du neuvième art, assimilé ici à la plus avant-gardiste littérature. Puis il bascule vers une seconde, funambule, où la dramatique est envisagée astucieusement selon le point de vue successif de chacun des protagonistes. Complémentaires. Ainsi, le cynique du propos est-il préservé jusqu’à la pénultième vignette. Une introspection aux couleurs délavées qui transpire pourtant une grande humanité. A la (re-) lecture, on ne peut alors s’empêcher de porter un regard attendri sur une œuvre dont l’habillage beige figure la devanture « American bar select ». On vous aura prévenu…