L'histoire :
Un après-midi comme un autre dans une chambre d’hôtel. Une jeune femme est allongée lancinante sur le lit. Son ami est à la fenêtre. Il ajuste la fenêtre de l’immeuble opposé. Un homme passe, la jouissance se précise, une détonation conclue la scène. Méticuleusement, le tueur démonte son fusil puis se retourne vers son amie : tout est fini, son métier le dévore à petit feu. Il exerce pourtant une activité routinière. Il tient une agence recevant des clients mécontents de leur entourage et souhaitant s’en séparer. Il tue sur commande. Un héritage, de la jalousie, du bruit… Les motifs ne manquent pas et c’est une file continue de mécontents qui viennent se payer ses services. Il n’est pas rare, le soir en rentrant chez lui, qu’il croise un « collègue » en plein boulot, un flingue à la main. Sa vie est ainsi : perdue. Mais un jour, il est lui-même pris pour cible. Sans doute son ex-amie ? Celle-ci dément. Qu’importe, ce sont les risques du métier. Puis, comme pour le rattraper, un homme vient un jour lui confier une mission pour le bien de l’humanité entière : remonter le temps et abattre Adolf Hitler...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pourquoi vouloir tuer Hitler ? La réponse semble évidente et pourtant la chose n’est pas aisée. Pour le bien de l’humanité bien sûr ! Mais lorsque c’est un tueur lui-même déshumanisé qui s’en charge, alors l’histoire prend un tout autre sens. Jason livre sans doute ici son album le plus fort car d’une efficacité implacable. Au travers d’une intrigue amoureuse banale quoique déchirante, au moyen d’un stratagème temporel maintes fois usité, il parvient cependant à toucher au cœur et passionner le lecteur interloqué. Rebondissant sur la pseudo dialectique de l’homme et du monstre (qui suscita la polémique du film La Chute), le Norvégien propose un récit d’une grande linéarité, cohérent et ramassé. Contrairement à Hemingway, son précédent titre chez Carabas (prix du scénario à Angoulême 2005), point de scission narrative, point de protagonistes multiples aux faciès trop ressemblants, un simple duo, un couple, un homme, une femme et… un fantôme que l’on pourchasse, symbole de l’innomable. Car J’ai tué Adolf Hitler, en dépit de sa sobriété, offre plusieurs niveaux de lecture. Les dialogues étant choisis et avares, la puissance comme la profondeur de l’album résident dans ses silences, son découpage régulier, les postures et mises en situation des personnages. J’ai tué Adolf Hitler est une bande dessinée qui peut être lue rapidement mais, assurément, vous manquerez quelque chose. Alors prenez votre temps. Respectez le rythme voulu par l’auteur. Lisez et re-parcourez les planches en vous y arrêtant. Tuer Hitler c’est tuer l’immoral qui est en nous. C’est aimer et vivre tout simplement.