L'histoire :
Seymour, jeune papa juif d’origine irakienne, est monteur dans le Los Angeles des années soixante-dix pour une petite boite produisant des films d’horreur et des bandes annonces. Récemment, il a pu commencer à concrétiser son rêve : écrire son premier scénario pour un film de loup garou. Malheureusement rien ne se passe comme prévu et les galères s’enchainent, même lorsqu’il est consacré réalisateur à la place de l’officiel, ne plaisant pas au producteur. Côté familial, ce n’est pas la joie non plus et la vie au sein de ce milieu spécifique, dans des années assez libérées, ne vont pas aider. Il va devoir faire face à une crise existentielle, alors qu’en parallèle, un autre aspect du cinéma Hollywoodien, un peu plus ancien, nous est montré.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rien que la couverture et le titre expriment combien ce roman graphique va être bouleversant. Sammy Harkham, responsable des fanzines Kramers Ergot et Crickets, n'est pas un débutant, mais seul un précédent album : Culbutes avait été proposé jusqu'à présent aux lecteurs français en 2013 chez le même éditeur. La maîtrise dont il fait preuve dans cette histoire de 300 pages, véritable fresque dédiée au métier du cinéma, impressionne, tant dans son rendu graphique que scénaristique. Le premier aspect développe un superbe noir et blanc teinté de trames grisées, dans un style lâché et ample, ainsi qu’une mise en page aérée, qui rappelle autant l'américain Jordan Crane - d'ailleurs remercié en fin d'ouvrage - que les hexagonaux Bastien Vivès ou Antoine Cossé dans certaines de leurs planches aux aplats de noirs et blancs les plus contrastés. D'autre part, on remarque la pagination assez exceptionnelle de l'ouvrage, qui, débutant assez normalement en suivant la vie de Seymour, est coupée en plein milieu. Celle-ci s’ouvre alors sur un flash back dans les années dix, dédié à la destinée de Joe, jeune cowboy des plaines d'Arizona, embauché comme cascadeur par Bertram Cole - réalisateur et producteur renommé mais véreux. Une sorte de bonus de 32 pages tout en couleur, dans un style un peu plus fanzine, car provenant de Crickets, le comics de l'auteur. Les 138 pages suivantes reprennent le fil noir et blanc de l'histoire principale. On est impressionné par la richesse du scénario, puisant dans une documentation et une connaissance du milieu cinématographique américain évidente, montrant les détails, aléas et travers de ce milieu, tout en dessinant dans le même temps la vie familiale de Seymour. Le récit oscille donc sans cesse entre plateaux de tournage (la réalité d'une fiction en train de se créer), et (la fiction de) sa réalité à domicile. Tout cela offre un spectacle détonant et prenant, truffé de clins d'œil pour qui aime le cinéma et pose dés lors Blood of the Virgin comme un ouvrage de référence, tant dans la forme que le fond (mais qui est la sacrifiée dans cette histoire ?). Un incontournable, voire déjà un classique, si l'on reste dans la terminologie cinématographique.