L'histoire :
Pekar est un scénariste usé, dépressif et misanthrope. Case après case, il harangue son lecteur impuissant, l’implorant, le prenant à témoin de sa vie de loser... Allongé sur le divan qu'il s'est fait livrer, Pekar nous parle de ses petits problèmes dans des saynètes autobiographiques. Pekar vit à Cleveland, une grande ville de l’Ohio. Célèbre pour ses industries mais aussi pour avoir connu la crise et la récession, Cleveland est le théâtre des malheurs de notre pauvre scénariste. C’est une ville où il fait froid, où les maisons sont noires et où la fumée masque les toits : une vraie torpeur. La vie de Pekar n’a guère de charme. Son quotidien morne est façonné par l’ennui et la médiocrité. Il va au supermarché et rencontre des femmes qu’il suppose avares, il prend l’ascenseur et rencontre des gens ordinaires, il reçoit des amis, bien malgré lui (dont Robert Crumb)… On apprend aussi qu’il est touché par la « collectionnite » : il accumule comics, magazines, livres sur le sport… Et des disques de jazz, sans même les écouter parfois…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Là où un auteur comme Daniel Clowes arrive à transformer la médiocrité existentielle en jubilation, Pekar ne fait que la reproduire sur un mode creux, sans jamais dépasser un vrai/faux cynisme. La déprime n’est alors plus qu’un prétexte pour se vautrer dans l’égocentrisme. Quand Clowes arrive à nous amuser avec le malheur et l’absurde, grâce à des récits traversés par une lucidité et un humour salutaires, Pekar, au contraire, parvient réellement à nous déprimer en nous contant son spleen, finalement agaçant et ennuyeux. Et surtout, la narration ne propose jamais un système qui pourrait avoir valeur d’exemple ou prétendre à l’universel (ce que font admirablement Dan Clowes ou Chris Ware, en revanche). Même l’humour, pas toujours de bon goût, se révèle franchement douteux ou manquant de finesse. Bref, on rit peu mais on s’ennuie ferme. Pourtant, cette série de saynètes publiée dans différents numéros d’American Splendor à la fin des années 70 aux Etats-Unis, a inauguré un nouveau genre en introduisant le récit autobiographique dans la BD. Pekar a même influencé une génération d’auteurs œuvrant dans le registre de la chronique sociale. Si le récit ne convainc que très rarement dans Harv’n Bob, le graphisme signé Robert Crumb (un des meilleurs dessinateurs de la scène indépendante américaine), traduit en revanche une parfaite maîtrise du coup de crayon. Le trait rugueux et charbonneux, alternant avec des ombrages du meilleur effet, exprime avec subtilité la sensation du mal de vivre. Bref, cette belle édition plaira sans doute aux inconditionnels de Crumb. Pour les autres, c’est selon… En nous contant l’absurdité de l’existence, Pekar se voulait ironique, il n’est malheureusement qu'apathique.