L'histoire :
En 1939, après quelques mois de rétention par suite d'un procès inique, l'ingénieur en aéronautique Sergueï Pavlovic Korolev est libéré du goulag, pour une révision de son cas. Il espère que cette procédure rarissime se révèle un signe du destin, qui le mènera vers de jours meilleurs. 18 ans plus tard, le 4 octobre 1957, il est félicité en personne par Khrouchtchev, suite au lancement réussi de Spoutnik 1. A ce qu'il paraît, les américains dépités allument leurs postes radio pour entendre le bip caractéristique émis par le satellite artificiel. Khrouchtchev prend alors la mesure de la propagande inouïe que représente un tel événement mondial et ordonne à Korolev de réitérer l'exploit juste un mois plus tard, pour le 40e anniversaire de la révolution rouge. Enthousiaste, Korolev relève le défi, en proposant d'envoyer cette fois un être vivant : un chien. Cependant, vu les délais très courts, aucune procédure de retour ne sera possible pour l'animal, qui périra assurément en orbite. Au moment où se dessine ce programme scientifique et politique, une petite chienne errante et très attachante est capturée par la fourrière. Plutôt qu'une euthanasie immédiate, elle est alors confiée à l'un des directeurs de l'Institut de Médecine Aéronautique, Oleg Gazenko. Cet éminent institut est en effet demandeur de ce genre d'animal pour ses expériences top-secrètes. Gazenko confie alors l'animal à sa nouvelle assistante vétérinaire, Yelena Alexandrovna Doubrovski. Celle-ci s'attache instantanément à cette chienne affectueuse, et la baptise Koudriavka, ce qui signifie Frisette, en raison de sa petite queue qui rebique. Il est alors conseillé à Yelena de ne pas trop s'attacher aux animaux...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme son nom l'indique, ce petit ouvrage souple et épais contient la biographie réelle ET imaginaire du premier être vivant envoyé dans l'espace, la célèbre chienne Laïka. Réelle, car pour nous raconter cette épopée authentique en détail, le suédois Nick Abadzis s'est livré à un impressionnant travail de recherche, des étagères de la British Library jusqu'à la maison de Korolev en Russie ! Les acteurs et les détails du programme Spoutnik II sont en effet aussi détaillés que possible. Imaginaire, car pour rendre la chienne attachante, il a astucieusement inventé ses premières années, de sa naissance jusqu'à son adoption par l'Institut d'Aéronautique soviétique, selon un parcours ultra détaillé et tout à fait vraisemblable. Cette démarche particulière permet au lecteur d'emmagasiner un maximum de tendresse envers cet animal héroïque, et valu d'ailleurs à l'ouvrage d'être récompensées par l'Eisner Award du Best Teen Graphic Novel. Le récit n'est certes pas des plus esthétiques – il est dessiné assez sommairement – mais il prend le temps d'aller au fond des choses, de manière très (trop ?) précise. En 4 chapitres souvent très denses (jusqu'à 25 cases par planche !), couvrant au total près de 200 pages, il nous est ainsi donné de voir les rêves de chien de Laïka, ses premières amours, les différentes étapes de sa formation d'astronaute... Ainsi, Laïka reste le vrai sujet central du récit, talonné par le personnage émérite de Yelena, son maître chien. Mais Abadzis n'oublie pas non plus de souligner la propagande politique en tant qu'objet premier du programme, ni les second couteaux qui ont œuvré dans l'ombre à sa réalisation, ou qui sont globalement intervenus dans la vie de Laïka. Un étonnant récit, petit par la forme et consistant par le fond, touchant et didactique...