L'histoire :
Kevin Phenicle est un élève comme les autres dans l'Amérique des années 80, à ceci près qu'il s'intéresse peu aux filles de son âge, qui l'impressionnent. Il se révèle néanmoins beaucoup plus doué pour les maths que tous ses jeunes collègues. Une sorte de feeling lui donne l'intuition de la logique derrière les communications électroniques et le téléphone. Maltraité par les garçons de son âge, objet de moqueries incessantes car il ne se défend jamais, il va trouver refuge dans de longs moments de réflexion. Par jeu et sans réaliser le coté illégal de la chose, il va alors s'intéresser au fonctionnement des lignes et aux premiers crackages via la célèbre blue-box, ancêtre des dispositifs informatiques de piratage. A mesure que l'électronique grand public et l'informatique se développent, Kevin va continuer de jouer, à la marge, un rôle de détournement, d'utilisation frauduleuse de tous les systèmes possibles. Les premier jeux vidéos, son premier TRS-80, chaque étape provoque chez lui de nouvelles envies de détourner, de personnaliser. Jusqu'à insérer dans des jeux vidéos piratés, puis revendus, un message personnel qui surgira sur l'écran des utilisateurs au bout de 100 parties. Cette première attaque virale le conduira à une interception par la police, après laquelle la vie du jeune homme solitaire va devenir une suite d'étapes entre la prison, la semi liberté et une nouvelle rechute. Son ami d'enfance Winston Smith, animateur d'une émission de radio, va défendre le jeune homme devenu hacker avec persévérance à travers les années. Mais face à Kevin, se dressent non seulement la loi pure et simple, mais aussi des intérêts qui surfent sur la vague de la lutte anti-piratage, comme un journaliste spécialisé, ou des criminels aux réseaux inavouables...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Wizzywig est un exemple de plus de cette nouvelle vague du 9ème art américain et indépendant, qui ne s'inspire directement ni des comics américains, ni de la BD européenne, mais constitue un mélange des deux héritages. Ed Pizkor est encore un jeune auteur, dont les influences se situent visiblement chez ses aînés Daniel Clowes ou Adrian Tomine, deux noms de la BD US « alternative » actuelle. Une mise en page rigide et sans fioritures, un style sobre semi-réaliste, des pages parfois denses et remplies de petites cases. Un formalisme faussement traditionnel pour un propos sans concession sur la société américaine. Cet album biographique d'un personnage qui mélange les bios réelles ou fantasmées de hackers célèbres, est l'occasion pour Pizkor de plonger dans la vie d'un loser de génie, en lui faisant côtoyer les aspects les plus rudes de trois décennies aux Etats-Unis. C'est direct, parfois violent, nourri de dialogues réalistes et très actuels. Les exemples techniques (la blue box), les références « geek », aussi bien que la vie à l'intérieur d'une prison, montrent un vrai travail de recherche et une vraie volonté de constituer une forme de témoignage de l'époque. Il faut donc se plonger dans cet album épais de plus de 280 pages, comme on s'immerge dans un film, pour n'en ressortir qu'après la dernière page tournée. L'expérience est alors instructive, poignante ou pathétique, la chronique sans morale d'un jeune surdoué qui refuse les contraintes.