L'histoire :
Bien des années sont passées, mais je suis revenue. A présent, on me célèbre par une procession de crânes et d'os s'entrechoquant enfilés comme des guirlandes et du taffetas. Mais ce ne sont pas que de simples vestiges ancestraux. Ce sont les fils, les filles et les héritiers du village de Mjnari, où la mort lente et accablante est devenue le mode de vie. Lors de ma dernière visite ici, j'avais pensé que l'abondance était revenue et les conflits terminés, que la magie de Mjnari durerait toujours mais le destin en a voulu autrement et la catastrophe a une nouvelle fois revendiqué cette terre aride. Ils savaient que je reviendrais car cette horrible chaise à porteurs m'attendait. Cependant, chaque crâne est une unité de temps et chaque battement de tambour compte les cœurs qui ont été perdus. Ainsi, je suis à la fois honorée par les vivants et les morts...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Barry Windsor Smith est adulé, à juste titre, par les fans de Marvel. Révélé par Conan, il est devenu un auteur culte, entre autres, avec Wolverine : Weapon X. Mais avant d'épouser l'industrie des super, il a toujours été un auteur complet et s'est dédié à la peinture. C'est donc du côté de ses récits propres qu'on trouve sans doute le meilleur de lui et ceux qui ont lu Monstres se souviendront toute leur vie de ce récit fabuleux. L'histoire de cet album, c'est un peu ce qui a pu le séparer de Marvel. Initialement, il imagine ce qui doit être le 3ème volume des Uncanny X-Men, Lifedeath, mais il se donne une liberté que les éditeurs n’acceptent pas, puisqu'il fait le travail en se dédouanant tout simplement de leur supervision. Et leur réponse est sans doute politique, car accepter cela revient à ce qu'ils perdent tout pouvoir sur les artistes. Alors c'est clair et net : véto, cela ne sortira pas et ce qu'il renvoient alors aux artistes, c'est tout simplement qu'on a beau être un cador, on ne se joue pas de ceux qui décident comment doit tourner la machine ! Le projet dort ainsi durant des années mais l'auteur y tient, alors il réécrit le récit et finit par le publier dans sa propre revue mensuelle : Barry Windsor Smtth : Story Teller, produite par Dark Horse ! La Maison des Idées n'en a pas voulu ? Il sera donc proposé et pris ailleurs... Voici l'envers du décor de cet album, qui date de 1999 et jusque-là inédit. Une histoire étrange sous forme de conte aux allures philosophiques, qui pioche du côté du conte et l'auteur y mélange la magie (côté super-pouvoirs bienveillants), le folklore et les légendes africaines mais aussi écologie et humanisme. La voix off anime les 17 premières planches, comme si cela était nécessaire pour donner de la profondeur au personnage. Puis les dialogues et les situations empruntent au drame et visent essentiellement la famine en Afrique, mais les textes se révèlent très ampoulés. Côté dessin, c'est bien l'inverse, son noir et blanc frôle la virtuosité, à tel point que, parfois, on songe à Toppi... Malheureusement, avec cet album, BWS n'écrit pas comme le maitre italien. C'est donc un coup de maître du côté de du visuel, mais une œuvre dont l'ambition narrative et surtout l'écriture, nous ont laissé dubitatif.