L'histoire :
Neuf histoires d'une Amérique déjantée et malade, craquelant sous le poids de la médiocrité. Pour acteurs, losers, freaks, geeks, dépressifs et égarés du rêve américain, parfaits miroirs d'une psyché américaine nourrie de confort matérialiste. Dans Caricature, Mal Rosen, divorcé de 39 ans sans enfants, a décidé de se mettre à la caricature. Sauf que lui, sa singularité, c'est de dessiner les gens sous leur jour le plus laid...Et maintenant, c'est grâce à ça qu'il gagne sa vie. Alors oui, il ne fait pas (encore) fortune mais il savoure au moins sa liberté et sa revanche puisque, étant petit, Mal était du genre calme et gringalet, apprécié de ses camarades à l'école pour caricaturer les profs avec talent...Dans Eyeliner vert, il est question de Mona Beadle, 23 ans et plutôt jolie. Son ambition dans la vie, épouser un vieux type riche lorsque son héritage sera épuisé (encore deux ans) ou un flic puisque, selon elle, elle est née pour être veuve. Elle n'a pas de boulot, ne va pas à l'école mais une chose est sûre, elle ne s'ennuie jamais...Ce sont les autres qui l'ennuient. Eh oui, que voulez-vous, Mona est aussi misanthrope, et ça empire avec l'âge...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jusqu'en 2024 et son Fauve d'Or pour Monica, Daniel Clowes était connu en France, mais surtout du lectorat des productions américaines indépendantes. Si on vous dit Fantagraphics et Eisner Award ayant aussi primé l'auteur il y a déjà plus de 10 ans, on vous fait d'emblée un résumé qui devrait se suffire à lui-même. Bien sûr, ce prix va lui donner certainement plus de visibilité auprès du grand public et Delcourt ne s'y trompe pas, en proposant une réédition (là où Rackham était passé par là en 2010) de neuf histoires publiées à l'origine aux US entre 1994 et 1998. Alors la première remarque qui s'impose est que l’œuvre de l'auteur peut d'ores et déjà être qualifiée d'intemporelle, parce que rien n'a bougé. C'est certainement dû au traitement graphique qu'il a mis au point, un mélange de caricature avec un encrage plus appliqué qu'il n'y parait au premier coup d’œil, pour une mise en page toujours très sobre. On trouvera d'ailleurs dans ce volume 3 histoires en couleurs et cela permet aussi de mesurer l'étendue du talent de l'auteur. Mais son intemporalité tient aussi à son écriture. Ici, neuf histoires sont compilées. Chacune d'entre elles brosse le portrait de gens tout à fait ordinaires. Qu'ils soient intelligents ou cons comme des paniers importe finalement assez peu. Ce qu'ils partagent, sans jamais se croiser, c'est d'être profondément désabusés sur leur sort. L'Amérique de Clowes, c'est celle qui ne tient pas les promesses d'Hollywood. Ce n'est jamais glauque, mais c'est la vie sans le strass ni les paillettes. Les leçons de vie que nous infligent les personnages, c'est que tout a certainement un sens, mais encore faut-il l'interroger... Les US citizens de Clowes, c'est la vraie vie des classes moyennes moyennement classes, comme disait l'autre...