L'histoire :
Théa ne prétend pas être douée pour grand chose. Sa raison de vivre lui semble derrière elle, depuis que le clan Paznina a fondu sur sa famille. Le prix de la guerre, elle l'a payé cher, puisqu'on lui a tranché son avant-bras droit, devant son père et son frère, ligotés et impuissants. Quelques instants avant, tous avaient vu sa mère passer à trépas, empalée. Alors,Théa se souvient de ce temps qui lui semblait doux, avant que la mort ne ravage les Plaines Flottantes. Ce temps où sa grand-mère lui avait donné le titre d'artiste car le talent de Théa était connu de tous, au-delà de son clan. Ses esquisses et dessins ornaient le sol de sa maison. Elle passait son temps à dessiner et à émerveiller les siens. C'est ce qui la définissait. Elle y pense chaque jour car maintenant, elle ne sait plus ce qui la définit. Sa prothèse peut-être ? Sa qualité de fille d'Abba, vocable désignant le rang de chef de guerre que porte son père, Jérôme ? Elle pense à tout cela alors qu'elle reprend son crayon et utilise sa main gauche. Mais le loup qu'elle dessine ne trouve pas grâce à ses yeux. Rollo, son frère, n'a que peu de temps, ce matin, pour essayer de la réconforter. Le clan est en alerte, le sang va être une nouvelle fois versé au nom de ceux qu'ils ont perdu. Rollo va tout d'abord devoir atteindre les générateurs d'énergie du camp adverse, au moyen d'un engin volant. Une fois toutes les lumières coupées, son père mènera un assaut. Le mot d'ordre est clair : pas de quartier !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Daniel Warren Johnson est illustrateur de métier. Sa carrière dans l'industrie des comic books est plutôt discrète, encrage d'un Annual de Sinestro en 2015, quelques couvertures, pour Moon Knight l'an dernier et pour un épisode de The Walking Dead à paraître. Il développe par ailleurs sa propre série, Space-Mullet, publiée dans nos contrées chez Akileos (un tome alors que la série est en cours). Avec Extremity, il propose un one shot, édité chez Image Comics et qui devrait le sortir de son relatif anonymat. Si la couverture et son quart annoncent la couleur de l'hémoglobine, il serait dommage de penser que ce bouquin se résume à une boucherie située dans un contexte SF apocalyptique. Ok, ça commence à peu près sur ce ton là mais le fait que le personnage principal soit une jeune fille, à qui on a en même temps retiré sa main qui dessine et son humanité, est déjà un indice. Un peu de tendresse dans un monde ravagé par une guerre dont les protagonistes ont oublié jusqu'à ses origines, ce serait déjà vous donner un meilleur indicateur sur le contenu de ces 270 pages. Tout commence donc de façon assez brutale et spectaculaire mais bien vite, la psychologie de cette famille endeuillée par la perte de la mère, prend une place centrale. Et la vengeance n'est pas ce qui nourrit l'âme de Théa, spectatrice du désespoir et de la rage qui rongent son père alors que son frère peine également à être reconnu comme un digne successeur et semble chercher aussi une alternative à un sanglant héritage, auquel son rang le destine pourtant. On le voit donc rapidement : tout cela est bien mené, avec des planches spectaculaires, remplies de décors et de monstres en tout genre. Extremity est une odyssée certes sanglante, mais qui a le mérite d’interroger ce qui caractérise l'humanité, ce qui amène à son renoncement aussi. C'est également l'occasion pour l'auteur de mettre en abîme la place des arts, comme le dessin, dans ce monde où tout est violence (avec au passage une scène en forme de joli clin d’œil à Frank Frazetta). Reste la fin, seul petit bémol à cet opus réussi. Elle permet la possibilité d'une suite mais vient un peu rompre l'intensité de la chute. Qu'à cela ne tienne : on retiendra globalement la qualité de ce récit.