L'histoire :
George Sprott est un individu pour le moins particulier. Connu pour sa carrière de présentateur d'une émission de télévision locale, il a tenu durant plus d'une trentaine d'année, 34 pour être précis, des conférences chaque semaine sur le sujet qui l'a passionné durant toute sa vie : les explorations arctiques. Il ira pas moins de 9 fois là-bas et réalisera de nombreux films à cette occasion, qui serviront d'ailleurs pour ses émissions quelques années plus tard. D'apparence sympathique, George n'était pas forcément aussi gentil qu'il en avait l'air, hormis envers sa nièce. Dragueur invétéré, il n'aura été marié qu'une seule fois, mais il aura trompé sa femme à maintes reprises. Avant, il mit même enceinte une inuit et ne reconnut jamais aucune de ses responsabilités. En fait, George est un type fait de contradictions, incapable de reconnaître les personnes l'aimant véritablement. En fait, George est surtout un type comme tant d'autre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En à peine une année, la collection Outsider (dirigée chez Delcourt par Vincent Bernière) a multiplié les titres de qualité. Outre les rééditions salvatrices de Berlin, elle nous a fait découvrir (ou retrouver) des artistes peu connus du milieu comics underground. Seth est l'un d'eux. Si on a relu avec un grand plaisir La vie est belle malgré tout, c'est avec étonnement qu'on accueille son dernier ouvrage : George Sprott 1894-1975. Publié dans un premier temps dans le New York Times, Seth offre le récit d'une vie, celle d'un type comme les autres, un présentateur de télé locale qui a fait de sa passion (les explorations arctiques) un métier. Cet homme connu et apprécié de beaucoup était en fait antipathique et le plus souvent seul. Durant toute la lecture de ce volumineux objet qu'est ce livre – l'édition est superbe, soit dit en passant – nous assistons à la vie de cet individu à travers divers témoignages de collègues, spectateurs ou membres de sa famille. De petits récits forment en fait une grande histoire. Le résultat pourrait apparaître décousu : la narration est faite par une voix-off qui ne cesse de s'excuser de son manque de précision sur George. Mais le scénario multiplie les allers et retours entre passé, présent et derniers jours de l'animateur. Avec une façon de raconter les histoires qui nous rappelleront forcément Chris Ware (sur son chef d'œuvre ACME notamment), ou David Heatley sur J'ai le cerveau sens dessus dessous, Seth place ici et là les pierres d’un édifice solide et passionnant. L'auteur a profité de l'édition de son histoire en version reliée pour y ajouter pas moins d'une cinquantaine de pages inédites. Nous suivons donc la vie et la mort de George Sprott avec intérêt, car aucune de ses facettes ne nous est épargnée. On l'adore, pour le détester la page suivante. Les contradictions de sa personnalité sont nombreuses, désespérément humaines. Avec un trait à la ligne claire, évoquant aussi bien Dupuy que Berberian (ou les deux), le visuel se montre sobre mais travaillé. Ce récit (complet) a de quoi montrer aux yeux de tous que les auteurs américains sont capables de proposer autre chose que des histoires de super héros (pour les indécrottables clichés), des histoires originales dans le fond mais aussi dans la forme. George Sprott est assurément une lecture marquante de cette année 2009 et il la conclue de fort belle manière. Un titre profondément humain.