L'histoire :
En 1935 fut fondée la confrérie des cartoonists du Grand Nord. Sise au 169 de Milverton Street, un imposant bâtiment à colonnades tombé en désuétude marque son existence dans le paysage urbain. Sur la façade, un bas-relief rappelle les personnages créés par ces cartoonists, certains célèbres, d'autres oubliés : Kao-Kuk, l'ours Chopper ou encore Jock-o. A l'intérieur de l'immeuble, l'ambiance feutrée d'un cercle d'initiés : de grands murs, une pièce austère, des bancs, des fresques. Plus loin, une pièce sert de lieu d'archivage des travaux réalisés par la plupart, et une autre sert de vitrine à trophées. Gardien d'une mémoire, le bâtiment est aussi l'occasion d'évoquer une bande dessinée aujourd'hui disparue...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On se souvient en 2009 de l'excellent George Sprott, 1894-1975 du même auteur, docu-fiction mélancolique sur la vie d'un homme assez ordinaire. Dans La Confrérie des cartoonists du Grand Nord, on retrouve cette patte nostalgique dans un sujet qui lui sied parfaitement. Une voix-off évoque en effet une sorte d'âge d'or révolu du cartoon, à travers la visite d'un bâtiment devenu un musée, qui abriterait le patrimoine de la BD canadienne : des trophées, des portraits, des archives. Encore une fois, Seth parvient habilement à mélanger faits réels et imaginaires, si bien que lecteur ne sait jamais vraiment si ce qui est conté est réel ou pas. Dans cet interstice, le lecteur peut alors projeter tous ses fantasmes ou représentations de bédéphile. Car il s'agit bien d'une sorte d'hommage au cartoon, plein de nostalgie et d'amour, qui tente de retracer, par la mémoire, l'histoire d'une culture populaire oubliée ou, peut-être, d'un âge d'or perdu. Peu de phylactères mais une voix-off qui interroge ou commente les faits décrits, ponctuée de parenthèses et de digressions, autant de petits récits qui recomposent un souvenir. Bien qu'en partie imaginaire, Seth nous immerge pleinement dans son monde et son esthétique, le grand atout du livre. L'auteur, à l'appui d'un trait sobre, rigoureux et d'une imagerie vintage, parvient en effet à créer une ambiance unique. Mais si le livre déçoit un peu finalement, c'est que le propos, au demeurant intéressant, tourne en rond, la répétition des digressions trahissant un manque de souffle. Aussi, on a le sentiment que ce livre à l'esthétique réussie parlera davantage à un public déjà rôdé à la BD qu'au novice. Reste un livre élégant qui suinte la nostalgie, dans lequel Seth témoigne et rend hommage à la BD d'antan.