L'histoire :
Dans l’univers dessiné de Chester Brown, le papier toilette fait sa révolution : plus question de plier sous le joug de l’humanité quitte à se dérouler de bout en bout, il les torchera tous jusqu’au dernier des survivants… On y côtoie aussi Bob Crosby et sa drôle de télévision : un appareil capable de dicter sa conduite au spectateur en fonction du programme diffusé. Ainsi Bob est contraint d’aller massacrer quelques phoques au zoo ou d’écrire une lettre à la police pour demander l’extermination des asiatiques de la ville ! Et quand, excédé, il décide de jeter le diabolique engin… il court vite au magasin pour s’en procurer un nouveau. Chester aime aussi beaucoup conter son quotidien, celui par exemple de la collocation dans laquelle Helder, Danny, Kris et Donna tiennent une place prépondérante : une description acide de la pseudo-convivialité… Et puis, il y a ce petit homme qui s’échappe par le trou de sa poche de pantalon, sans prévenir, en pleine classe, un beau matin. Ce sexe coquin qui s’allonge, provoque professeur, police, armée et déclenche une épopée sanglante… et totalement rêvée. Un monde d’encre et de papier si éloigné et parfois si proche de la réalité… de Chester Brown au moins.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les 27 histoires courtes, compilées dans Le petit homme, mélangent surréalisme, violence, nombrilisme assumé. Parfois drôles, subtilement décalées ou totalement incompréhensibles, elles nous permettent de survoler la bouillonnante créativité de Chester Brown en un méli-mélo émotionnel caractéristique de l’underground nord-américain. Considéré outre atlantique par ses pairs comme l’un des piliers de la BD indé, ce canadien anglophone a posé dés le milieu des années 80 les bases du récit autobiographique. Des générations de gratteurs de feuillets tout format s’engouffreront dans la brèche, sans même se rendre compte du boulot abattu. Ainsi, il est étonnant de retrouver dans ce recueil une manière de faire (choix narratif, extrapolation, découpage, lisibilité…) très en vogue à l’heure actuelle dans les ouvrages issus des blogs BD : une tendance à raconter parfois, sous prétexte de récits délirants, un peu de son intimité, en une sorte de thérapie. On est sur ce registre également graphiquement. Le trait s’adapte selon la place faite au texte : plus virtuose quand les mots sont couchés avec parcimonie, minimaliste quand Brown est frappé de logorrhée. Un ouvrage qui trouve parfaitement sa place au sein de cette collection (Outsider), à ranger au coté de ceux des amis de Chester Brown, Joe Matt et Seth en particulier.