L'histoire :
22 avril 1964, dans un bureau de recrutement de l'US Army, le Sergent McFarland fait le job en accueillant un jeune garçon.Il s'appelle Bobby Bailey, a 23 ans, porte une chemise fleurie marquée dans le dos par l'inscription Florida et de grandes lunettes de soleil cachent ses yeux. Il dit vouloir faire comme son père. Puis vient le temps des renseignements administratifs : certificat de naissance, numéro de sécurité sociale, éventuellement les diplômes. Problème : Bobby dit avoir oublié tout ça. Il ne se souvient plus de son matricule de Sécu et comme il n'a pas d'emploi, dit ne pas se souvenir de ses patrons précédents, difficile pour le Sergent de remplir cette case... En fait le garçon semble être à l'ouest et quand il dit être orphelin de père et mère, le sous-officier prend alors une fiche dans un de ses classeurs : « Projet Prométhée : Décret Classifié ; éléments instables, mâles blancs, mois de 30 ans »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour les fans de Marvel, Barry Windsor-Smith est synonyme de Wolverine. Les fans d'Héroïc Fantasy, quant à eux, diront : Conan le Barbare ! Bref, le dessinateur anglais est mondialement connu et à juste titre, il a reçu à peu près toutes les récompenses qui existent pour reconnaître son immense talent, mais avec Monstres, il se révèle également comme un auteur hors-pair, un scénariste d'excellence capable de sortir totalement de l'entertainment. Tout remonte il y a plus de 40 ans, quand la Maison des Idées lui confie Hulk. Fasciné par le destin tragique du monstre vert né d'un accident nucléaire militaire, il désire insuffler au personnage des traits de caractère et une psychologie susceptibles de plaire aux lecteurs adultes. En d'autres mots, il était en avance sur son temps, mais l'éditeur ne lui a pas fait confiance. Alors ce projet, il ne l'a jamais oublié et l'a approfondi, trouvant chez Fantagraphics, autre mythique éditeur, un accueil à la hauteur des 360 pages en noir et blanc de son récit. Une histoire captivante et servie par un dessin réaliste et tout en sobriété. Une saga parfois exigeante car la narration est subtilement éclatée, ce qui fait que quelques éléments se recoupent au bout de longs développements. Une fresque bien souvent éprouvante, tant elle décrit et met en scène la folie destructrice des militaires, leur stupidité étant également souvent soulignée. Si les nazis étaient des monstres désireux d'en créer d'autres avec leur idéologie de race supérieure et les programmes de recherches génique, l'US Army n'est pas non plus épargnée ici. C'est une vraie tragédie que l'auteur délivre, avec des scènes véritablement poignantes. Un coup de poing à l'estomac, une œuvre magistrale.