L'histoire :
Donnie Valedino Junior est arrivé en bas âge à Londres, avec son frère aîné Zeno et ses parents. Dans cette Angleterre ségrégationniste, son père devient rapidement une des figures de la résistance. Impliqué nuit et jour dans l'opposition au régime, il lutte pour tous ceux de sa condition, des sans papiers que les autorités pourchassent, humilient et éradiquent sans pitié. Deux ans plus tard, l'inévitable se produit : des représentants du pouvoir se présentent chez lui. Rosa et ses deux enfants ne le verront plus jamais... Les années passent et Zeno, à peine dix-huit ans, marche dans les pas de son père. Il n'a beau être qu'un jeunot, il est pourtant respecté dans le milieu du contre pouvoir. Il initie Donnie et l'emmène aux réunions secrètes, jusqu'à en faire le complice de ce qui sera son haut fait d'armes. A une heure et demie du matin, en plein couvre-feu, les deux frères placent une bombe dans l'immeuble du «Bureau du Contrôle des Frontières». Donnie est pourtant pris de remords. Il retourne sur les lieux pour désactiver l'engin, mais son timing n'est pas bon. Pris par le souffle de l'explosion, son corps gît sur le trottoir. Il se réveille dans une étrange contrée nommée Asante, où il est accueilli par un Lutin...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Fred Fordham est un artiste anglais. Il rend à travers cette série un hommage à bien des œuvres de sa natale Albion. La nuit est le premier volume d'une histoire prévue en trois. Dès les premières pages, qui plantent le décor en noir, gris et blanc d'une Angleterre ségrégationniste, on pense à un hommage à V pour Vendetta, amplifié par l'attentat qui suit. Pourtant, on s'éloigne bien vite du chef d’œuvre d'Alan Moore et de David Lloyd, pour basculer dans un univers onirique qui ne peut que rappeler Alice au pays des merveilles, le côté grotesque et humoristique en moins. En effet, l'esprit de Donnie, le petit garçon embringué dans la résistance et fauché par la bombe qu'il a placée, est coincé entre deux états. Son corps est perfusé, mais son esprit se retrouve à Asante, une sorte de contrée des rêves qui évoque l'antichambre du paradis ou de l'enfer. La narration alterne donc entre ses deux plans : tantôt un récit réaliste teinté de politique, tantôt des aventures extraordinaires (mais angoissantes) au goût de mythologie et de fantastique. L'auteur a ainsi puisé dans les évangiles, en réinterprétant les histoires de la chute de l'Ange Gabriel ou en se réattribuant des personnages comme Moloch, les gorgones ou encore les minotaures. La créature des Marais a même droit à un caméo ! Même si les textes, en particulier les dialogues, alourdissent un peu la narration, on s'embarque dans un drôle de voyage qui s'avère aussi surprenant que contrasté. La naïveté (le monde d'Asante) et le cynisme (le fascisme de la société anglaise) amènent un contraste qui est le point fort de la narration. Quant au dessin, il s'avère également nuancé : les couleurs douces du pays des rêveurs s'opposent au noir et blanc de la «vraie» vie. Si vous êtes sensibles aux histoires fantastiques qui ne se centrent pas sur de la pure action et à la culture anglo-saxonne, Nightfall pourrait bien vous plaire...