L'histoire :
Metamaus se propose de revenir sur un monument de la bande-dessinée, d’en retracer la genèse et d’en préciser les conditions de réalisation. Recueil d’archives, d’entretiens, de photographies, de documents historiques, de carnets personnels ou de crayonnés, l’ouvrage s’articule autour de trois questions majeures soulevées par Maus depuis plus de 20 ans : pourquoi l’Holocauste ? Pourquoi les souris ? Pourquoi la BD ? Le fil directeur s’appuie sur une série de conversations enregistrées avec Hillary Chute, éditrice associée de MetaMaus. En fin d’ouvrage figure la retranscription des entretiens réalisés par Art Spiegelman avec son père Vladek, matière première de Maus, accompagné d’un DVD de la BD en version numérique. Dans cette somme documentaire de 300 pages, Spiegelman explique que « le sujet de Maus, c’est la récupération de la mémoire et, en fin de compte, la création de mémoire ».
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec MetaMaus, il s’agit tout autant pour Art Spiegelman de tourner la page Maus, d’en parler une dernière fois et d’achever la catharsis d’une œuvre et d’un passé qui continuent de le hanter. Car Spiegelman ne cesse de dire combien il est pénible de vivre dans l’ombre de Vladek, père insupportable et antipathique, et d’être le fils d’un survivant de la Shoah. Il y est donc question de la genèse heurtée de Maus et de ses conditions de réalisation, articulée autour des trois questions traditionnelles soulevées par l’œuvre (pourquoi les souris, l’Holocauste et la BD ?). On découvre alors en Art Spiegelman un auteur rare, analyste fin et lucide de son œuvre, de la judéité et de la BD comme moyen d’expression à part entière. Certains passages sont saisissants : le fait d’avoir souffert à Auschwitz ne fait pas de son père un homme meilleur explique-t-il, bien au contraire; il indique que la naissance de Maus est « une réaction allergique à (sa) propre judéité » plutôt qu’une volonté délibérée de traiter la Shoah ; et dit aussi avoir voulu éviter le « sentimentalisme larmoyant », l’Holokitsch, en fuyant la tentation de « créer un survivant ennobli par ses souffrances ». Un seul bémol agaçant : la prétention de MetaMaus à être aussi indispensable que Maus, sorte de rite obligatoire ultime pour qui voudrait pénétrer la quintessence du chef-d’œuvre, sous peine de passer à côté de sa "vérité". Laissons le lecteur seul juge car Maus, avec ses questions, ses silences et sa matière se suffit sans doute à lui-même. Moins un guide de lecture qu’une réflexion lumineuse sur le processus de création, le livre s’adresse à ceux qui veulent pousser plus loin leur compréhension de cette œuvre unique. Les autres préféreront peut-être Maus avec ses non-dits et ses mystères, plutôt que de voir ses « secrets » dévoilés.