L'histoire :
En 1969, un monsieur d’âge mûr se marie avec une gracieuse jeune femme sur l’île grecque de Skorpidi. La cérémonie se tient dans un somptueux hôtel moderne en fronton de la mer. Un crooner et son groupe jouent une chanson langoureuse, les invités sont nombreux et ravis. Ils dansent pendant qu’un feu d’artifice ponctue la merveilleuse soirée… Personne ne voit le commando d’hommes-grenouilles sortir secrètement de l’eau. Mitraillettes aux poings, ils pénètrent rapidement à l’intérieur de l’hôtel, tandis que monsieur et madame savourent leur nuit de noce. La chef défonce la porte de leur chambre d’un coup de pied. Puis elle colle une balle dans le front du mari. Elle retire sa cagoule : elle est la sœur jumelle de l’épouse, complice. Tout en se rhabillant, cette dernière indique que « la clé » est le dessin complexe gravé sur la bague du mari. Et une chambre forte se trouve derrière le mur. La chef pénètre alors dans une pièce emplie d’objets d’arts uniques. Mais ce qui l’intéresse, c’est uniquement ce qui se trouve dans une mallette déposée sur un piédestal au centre de la pièce. Elle vérifie que ce qu’elle cherche se trouve bien à l’intérieur. Satisfaite, elle a tout de même quelques scrupules lorsqu’elle colle une balle dans la tête de sa jumelle. Puis elle ressort de l’hôtel en constatant les dégâts abandonnés derrière leur passage : tous les invités ont été canardés. Des dizaines de cadavres sont disséminés un peu partout. Le groupe commando repart posément, leur mission accomplie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Méfiez-vous, depuis toujours on vous ment : la civilisation humaine n’est pas maître de son destin. Les hommes et les femmes qui se succèdent sur Terre au fil des générations, qu’on appelle les « mourants » (the dying) obéissent depuis la nuit des temps sans le savoir au schéma supérieur de créatures fantomatiques et blanches, car mortes (the dead). Et de temps en temps – très rarement tout de même – ces dead ont besoin des dying pour une mission de récupération d’un précieux artéfact. Allez savoir pourquoi (on le saura peut-être plus tard ?), car ces ectoplasmes maîtrisent tout de même des pouvoirs occultes carrément puissants… Mais passons, c’est l’occasion d’une sorte de pacte faustien entre les fantômes et un ancien colonel américain de la seconde guerre mondiale. Car lui seul est assez fou et droit pour pactiser avec des fantômes et aller jusqu’au bout d’un engagement… en échange de la guérison de sa femme d’une phase finale de cancer (on vous l'a dit : puissants, les pouvoirs !). Dans cet objectif, le colonel réunit ses vieux potes, pour un baroud d’honneur façon Space Cow-Boy. Tel est le pitch de cette nouvelle série comics scénarisée par le prolifique Jonathan Hickman, dont les 5 premiers épisodes originels sont traduits et recueillis dans ce premier volume publié chez Glénat Comics. Hickman alterne les époques et les séquences, pour instiller rythme et suspens dans sa narration. On croise même Hitler, Mussolini et Hirohito qui se font une petite bouffe au château de Wewelsburg. Hickman s’appuie surtout sur un somptueux dessin réaliste en noir et blanc signé Ryan Bodenheim. L’artiste est peu avare en précisions, souvent spectaculaires lors des phases d’action, et il se surpasse en ce qui concerne les ambiances lourdes… et sentencieuses. C’est le principal bémol qu’on peut apporter à ce premier tome : le ton solennel et définitif des répliques et de la voix off. Tous les acteurs sur-jouent la partition du sérieux, pour souligner la grandiloquence et la magnificence d’un dessein complotiste quasi-religieux. Une bizarrerie : Michael Garland est crédité à la couleur, ce qui est pour le moins étrange, car il n’y en a pas (que des dégradés de gris). On vous ment, vous dit-on.