L'histoire :
Mon paternel était un petit Irlandais de la banlieue de Chicago. Il voulait devenir fermier et puis le jazz s'est emparé de lui. Mingus l'a envoûté et il s'est mis à la contrebasse. Le jazz était sa vocation et il l'a laissé l'entraîner où bon lui semblait. A New-York, en Floride, en Arizona... et en zigzag jusqu'à la Californie, où je suis né. Des années plus tard, je le reverrais monter sur scène, dans un club de Chicago. Un souvenir gravé à jamais. Je le voyais sûrement pour la première fois, dans son état naturel, libéré de tout superflu. Il était la musique. Une symphonie, une cacophonie, un solo et un coda... Enfin, à cette époque, peu avant que je naisse, il était un homme qui savait pourquoi on l'avait mis sur Terre et il faisait des efforts pour pouvoir parvenir à : jouer ! Il rencontra ma mère sur un pont. Elle lui demanda une cigarette, il lui proposa un rendez-vous. Bientôt, elle fut enceinte de moi et la route qu'il s'était tracée s'est désintégrée...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il en a fallu du courage (beaucoup) et du talent (encore plus) à Jim Terry pour livrer le récit de sa vie. Une histoire qui vient comme réparer la sienne, lui que la vie a cabossé depuis son enfance. Né d'un père Irlandais et d'une mère amérindienne, il grandit au milieu d'un couple parental qui n'arrive pas à s'en sortir et qui boit comme un trou. Le tableau est sombre pour grandir mais il ne met pas tout sur le dos de ses parents, parce qu'il ne se sent ni Indien, ni Irlandais, mais pas non plus Américain. Quelque soit l'école, on lui renvoie sa différence et le moyen qu'il trouve d'intégrer un groupe de jeunes, c'est de boire avec eux. Et c'est le début de l'enfer, sa dépendance à l'alcool. Et le talent et la sensibilité brute de l'auteur se trouvent dans le fait que, sans jamais sombrer dans la plainte ni le pathos, il nous donne tout de lui. Le gosse gentil, qui ne comprenait pas l'attitude de ses parents, puis l'ado paumé qui n'arrive pas à trouver sa personnalité, jusqu'à la défonce à l'alcool, puis les soins et une rencontre salvatrice, celle avec Will Eisner. Alors on peut d'ores et déjà dire que Jim Terry a digéré le meilleur du génie New-Yorkais : l'art de raconter des histoires tragiques teintées de la richesse de l'Humanité. Il y a quelque chose de bon qui émane de ce livre, quelque chose qui fait, que, chapitre après chapitre, on a l'impression de retrouver quelqu'un devenu son ami. Quelqu'un de simple et sans chichi, comme son dessin. Come Home Indio, un livre que vous devez inviter chez vous.
