L'histoire :
Cette intégrale regroupe plus de 30 historiettes, racontant les péripéties du détective Lloyd Llewellyn, accompagné de son fidèle acolyte Ernie Hoyle. Un peu playboy, pas toujours malin (voir l’épisode de l’augmento-ceinture !) et souvent drôle, le héros fait preuve d’une naïveté et d’une gaucherie touchantes. Ce Lloyd, qui a souvent l’air de maîtriser son sujet, finit toujours par se vautrer dans des situations surréalistes. Pris au piège de femmes philosophes, boxeuses ou névrosées, confronté à une populace toujours plus loufoque, les enquêtes de LL ne sont jamais simples. Dans un univers déjanté, il devra affronter des monstres fous, des Martiennes, des nababs du showbiz, des péquenots un peu geeks, des hippies écolos et même un homme encrier. Un programme hallucinogène pour un détective qui a des choses à prouver… Mille bombes !!! (expression compulsive du héros)
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour les fans de Daniel Clowes, chaque nouvelle parution est un événement. L’éditeur Le 9ème monde offre ici une superbe intégrale des aventures de Lloyd Llewellyn publiées entre 1987 et 1988 chez Fantagraphics. A l’époque, Clowes jouait en ligue 2, de son propre aveu. La sortie de ce livre est donc l’occasion d’apprécier et de (re)découvrir les premiers travaux de l’un des meilleurs « storyteller » actuels, aux côtés de Chris Ware ou d’Ivan Brunetti. Dans cette « œuvre de débutant », les histoires de LL témoignaient déjà des qualités de Clowes : l’humour potache, le trait volontairement caricatural, le goût pour le grotesque. Ici, le graphisme et l’ambiance lorgnent parfois du côté de Roy Lichtenstein, un des symboles de la pop culture d’après guerre, avec Warhol. Dan Clowes puise d’ailleurs ses thématiques dans les clichés de l’imagerie populaire des années 50/60 (les bouges démodés, les pin-up pulpeuses…), en les détournant sous une forme surréaliste pour éviter la caricature et camper son héros dans un décor original. Le trait droit et léger, agrémenté de pointillés, d’aplats noirs et de trames grisées, confine à l’artifice, reléguant la vie de LL au rang d’anecdote. Au fil du livre, le personnage évolue vers des territoires plus graves, ceux de la satire sociale et de la mélancolie, annonçant ce que sera dans Ghost World ou David Boring l’identité formelle de l’auteur. Plus tard, Clowes adoptera une posture plus grave et désenchantée, en déployant magistralement toutes ses qualités de conteur à travers des univers mélancoliques peuplés de losers et d’has-been (voir l’excellent Eightball). Considérons finalement LL comme une « œuvre de jeunesse » intéressante, s’adressant à tous les inconditionnels de Clowes. Certes, le prix pourra paraître excessif, mais l’ensemble est riche et dense (266 pages dans un magnifique écrin grand format, un ex-libris, un portfolio, des explications de l’auteur…). Sans être l'œuvre majeure de Dan Clowes, Lloyd Llewellyn reste néanmoins un must have pour tout fan.