L'histoire :
Au tout début des années 70, Roy Disney, le frère de Walt décédé 4 ans plus tôt, attend sa chambre dans le hall d’un grand hôtel d’Orlando. Il est venu en Floride pour signer les papiers relatifs à l’inauguration du second parc à thème voulu par son frère, Walt Disney World. Assise à côté de lui, avec sa petite fille sur ses genoux, une maman entend son patronyme et s’intéresse à lui : serait-il parent avec le célèbre Walt Disney ? Roy Disney se met alors à lui raconter sa vie, aux côtés du créatif impulsif Walt. Déjà, lorsqu’il était enfant, Walter dessinait des chevaux sur les portes de la grange en trempant son doigt dans du goudron. Et lorsqu’il devait se faire gronder par ses parents, son frère Roy prenait sa défense. Leur père Elias élevait ses garçons à l’ancienne, avec sévérité. Sa devise était que l’abnégation et la persévérance finissaient toujours par payer. Pour rapporter un peu d’argent au foyer, ils livraient des journaux, mais leur père leur interdisait de les lancer sur les perrons des pavillons comme des fainéants. De fait, il leur arrivait de louper des journées de classe tellement ils étaient épuisés. En devenant adulte, Roy avait rapidement cherché un travail pour échapper à cette éducation stricte. Il avait aussi encouragé et financé Walt, plus jeune que lui, à percer dans sa carrière artistique…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette double biographie des frères Disney réhabilite le prénom de Roy dans la success-story de son frère Walt. Car Walt Disney signe en effet de son seul nom l’enseigne de la fabuleuse entreprise d’animation… mais elle est bel et bien une réussite commune, le génie créatif de Walt ayant été en permanence secondé par la canalisation (vaine) et la gestion budgétaire et humaine de Roy, surnommé « The moneyman » – alias celui qui trouve l’argent pour financer les films. Car la magie des films d’animation réalisés par Walt Disney de son vivant ne laisse jamais transparaître qu’ils se sont faits dans la douleur (bancaire) durant de nombreuses années. Entravés par la crise de 29, puis par le surendettement européen de la guerre et lestés par l’onéreux souci du détail et de la perfection de Walt, les dessins animés furent des réussites critiques et publiques, mais pas pécuniaires. De fait, les comptes de la société étaient rarement à l’équilibre et la plupart du temps dans le rouge. La longue biographie des frères Disney (167 pages, pour la réunion de trois livrets de 48 planches) met donc aussi en valeur l’intrépide banquier qui a toujours cru dans le potentiel artistique de Walt et dans son avant-gardisme novateur, que n’encourageait pas toujours son frère. Comment cela, du son dans les animations ?! Comment cela, des parcs à thème ?! En toute transparence, cette biographie évoque donc aussi les engueulades. Elle s’avère aussi passionnante que longuette – malgré l’élagage nécessaire, car la saga est vaste. Le mode narratif est factuel, très classique dans sa construction : au crépuscule de sa vie, Roy relate sa vie, de son enfance à ce jour-là de 1971, année de sa mort, en de longs flashbacks chronologiques. Les auteurs sont italiens et l’éditeur en français, alsacien… Néanmoins, le format souple, la patrie des Disney, la manière de narrer, ainsi que le premier pays d’édition, font pencher cet album dans le camp des comics.