L'histoire :
Dans une banlieue sans fin, propre et sans aspérité, un dimanche passe. Chacun vaque à ses occupations ou comble le temps tant bien que mal. Deux jeunes jouent aux jeux vidéo et imaginent ou observent ce que font leurs voisins, une voiture passe bruyamment, des oiseaux gazouillent, une musique s’échappe hors d’une maison, un couple bronze, une colonie d’oiseau survole la banlieue, le son d’une télé se perd dans les airs, un homme chute à vélo, un escargot avance lentement devant un chien qui voit lui-même un avion passer. Puis le soleil, après une longue journée d’été, décide de se retirer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dimanche a le charme des débuts et une insouciance propre à la jeunesse. Jon McNaught est en effet un tout jeune auteur anglais ayant déjà travaillé pour le New-York Times. Dans ce livre présenté dans un format de poche immédiatement séduisant, l’auteur y sonde les différentes strates d’un imaginaire nourri de mélancolie ouatée et habité par l’instant futile, comme en retrait du temps, manière pour lui de lâcher prise, de modérer l’allure et d'enrayer la marche enfiévrée des minutes. Partant de faits ordinaires et dérisoires, deux jeunes en train de jouer aux jeux vidéos ou d’escalader un mur, une musique perdue dans les nuages, une chute de vélo ou le passage d’une montgolfière, les récits muets dérivent ensuite vers une douce et suspendue mélancolie, parfaitement en phase avec ces horizons infinis de banlieues mortifères faits de quartiers résidentiels ou de maisons standardisées, aseptisées et proprettes où les jardins, symboles du pouvoir, ont presque disparu. Plus que l’ennui, la solitude ou le carré vert, le vrai roi ici, c’est l’imaginaire de McNaught tantôt onirique et éthéré, tantôt matérialiste et spectral, presque ensommeillé… Ou comment faire surgir la poésie la plus inattendue de la réalité la plus ordinaire. Avec McNaught, les banlieues en deviendraient presque charmantes, objets d’enchantement déroutants et espaces de liberté retrouvée. Et ce qui est un décor fécond chez Daniel Clowes devient chez McNaught le cœur du sujet, la matière même de sa fantasmagorie. Vous l’aurez compris, l’intérêt réside surtout dans la force du dessin et l’esthétique proposée, infiniment expressive et épurée : elles nous accaparent et nous retiennent malgré la lenteur imposée ou le peu d’intérêt que peut susciter le centre du récit. Dimanche est bien une invitation à la rêverie poétique libre et paresseuse, une parenthèse silencieuse chaleureusement contemplative et immédiatement attachante. C’est donc avec impatience qu’on attend Dockwood, prochain livre de McNaught à paraître à l’automne…