L'histoire :
Le monde est peuplé de robots et infesté par l’influence néfaste de Mink qui étend sa puissance en contaminant tous ceux qui mangent des hamburgers. Heureusement, un super-héros solitaire et aux pouvoirs cosmiques veille et tente de mettre de l’ordre dans tout ce fatras : Oméga ! Un jeune garçon, Titus Alexandre Island, se rend au lycée pour la première fois mais ses parents ont un accident mortel et Titus découvre que sa mère était en fait un… robot ! Blessé, Titus reste à l’hôpital pendant plusieurs semaines. Une jeune infirmière, Edie, veille sur lui et fait tout pour qu’il sorte du coma. Titus finit par se réveiller et doit retourner au lycée. Il partage désormais sa vie avec Edie. Cependant, elle a trouvé un petit ami des plus étranges qui n’est autre que Mink. Traumatisé par la cruauté des adolescents, Titus aimerait quitter le lycée mais il n’est pas au bout de ses surprises. L’école va lui réserver de nombreuses mésaventures. Il va également devoir affronter son destin : celui d’aider les hommes à se libérer du joug des robots et de l’influence de Mink. Quels sont les pouvoirs de Titus ? Quel est le lien qui l’unit à l’Oméga ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette série était à l’origine écrite par Steve Gerber et dessiné par Jim Mooney et parue sous le même titre dans les années 70 (les auteurs actuels reviennent sur leur emprunt à la fin de l’album). Steve Gerber est un scénariste qui a ouvert Marvel à la science-fiction et au décloisonnement de l’histoire par le biais du voyage temporel. Il est ainsi le précurseur de grands noms tels qu’Alan Moore, Grant Morrison ou encore Neil Gaiman (rien que ça !) et l’écrivain Jonathan Lethem veut ainsi lui rendre hommage en reprenant une de ses œuvres, certainement l’une plus originales de l’époque. Original est le mot pour qualifier cet OVNI. Loin des récits Marvel, Lethem nous emmène dans une histoire totalement farfelue et ébouriffante. Changer toutes vos habitudes de lectures et vos conforts narratifs : Lethem les détruit un à un en créant un véritable labyrinthe scénaristique (à l’image du labyrinthe inventé par Mink). On n’a ainsi plus de personnage principal et encore moins un héros (et encore beaucoup moins un super héros !) : Titus est assez insipide et ne semble ressentir aucune émotion, à tel point qu’on se demande s’il n’est pas lui-même un robot ! Les méchants sont aussi troubles puisque rien n’est défini véritablement : Mink est-il foncièrement mauvais ? Les robots sont-ils dangereux ? Cette absence de valeurs s’accompagne d’une représentation très crue de la réalité du monde américain (étrange paradoxe dans une histoire où se mêlent personnages aux pouvoirs cosmiques et robots) : on retrouve ainsi une peinture fidèle du lycée et de l’université, de la rue et de sa solitude, du temple de la consommation cristallisée par la restauration rapide et les burgers… Après l’absence de repères moraux qui rendent l’histoire réaliste, Lethem décloisonne les ficelles narratives en s’amusant à jouer avec les codes de l’écriture pour mieux les détourner. C’est le côté le plus déroutant de ce comics : le lecteur passe d’épisodes en épisodes qui s’enchaînent sans réel lien et plonge dans une intrigue qui n’a ni queue ni tête. Pour couronner le tout, un personnage énigmatique, l’Othinker, fait office de voix off et commente sans arrêt l’histoire en se plaisant à obscurcir la narration. L’humour est aussi très intellectuel et bourré de références à une culture populaire parodiée : on voit même l’Othinker chanter dans un groupe de métal la défaite d’un personnage qui n’a pas su se faire un nom dans l’histoire ! Les super héros sont portés en ridicule et beaucoup d’épisodes sonnent comme des critiques d’un univers aseptisé et simpliste. Le dessin est également corrosif et le trait faussement ancien et caricatural constitue une véritable attaque aux comics populaires. Un projet ambitieux donc mais vraiment pas à la portée de n’importe qui. A la frontière de la caricature de Robert Crumb, du pessimisme de Charles Burns et du délire créatif d’Alan Moore, Oméga est une œuvre expérimentale singulière et originale mais finalement assez vaine tant elle est complexe et peu attrayante. A force de refuser la facilité et la clarté, Jonathan Lethem se perd dans les limbes d’un univers où l’art se plait à être post moderne et inaccessible…