L'histoire :
Après avoir travaillé durant 15 ans à Los Angeles chez Mickey Walt, Alex est revenue s’échouer à Bandini, la petite ville de son enfance. Sa maison s’ouvre sur un paysage de cheminées d’usine des plus désespérants. Alex maudit cette ville et ses habitants. Il n’a qu’une hantise : croiser les parents de ses anciens camardes d’école, dont il vient de retrouver le who’s who de 1976. Dès qu’il sort de chez lui, il s’aperçoit qu’il a tout raté : son ami n’est pas poète, son mentor et professeur n’est plus qu’un clochard. Il n’ose même pas aborder la plus jolie fille du lycée, l’ex amour de sa vie. Tout s’acharne à lui remonter ses aigreurs d’enfance. Il tolère toutefois Jérôme, un vieux copain d’enfance avec qui il regarde à heure fixe une série Z à la télé. Aujourd’hui, Alex est alcoolique, dépressif, constipé ( ! ), asocial et s’enfonce peu à peu dans un délire de persécution sans fin. Il passe le plus clair de ses journées à remplir des verres et les vider, à dessiner des petits lapins qu’il déchire aussitôt en miette, puis à tout broyer chez lui, tant cette vie solitaire et stérile le dégoûte de, lui-même. Il n’a pas de présent, pas d’avenir et un passé qu’il déteste.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette histoire de Mark Kalesniko, dessinateur indépendant américain, n’a strictement rien à voir avec ses collaborations avec Disney sur le Roi lion ou Mulan. Intelligent, bourré d’émotions, largement autobiographique, son récit s’interroge sur le sens de la vie. A l’aide d’un trait simple et finement ciselé, il découpe en plusieurs chapitres la malédiction d’un artiste et l’angoisse de la page blanche. En ce sens, Alex est l’opposé total du Blankets de Craig Thompson. Lorsque le héros de Blankets, également dessinateur, tombait amoureux de la vie, Alex sombre au fond du trou. En proie avec ses démons (et ils sont nombreux), l’artiste ne voit plus de solution à son art. La représentation canine d’Alex en fait le seul personnage zoomorphique de l’album. Ce biais permet à Kelesniko de singer ce simulacre de vie docile dans laquelle nous nous fondons tous et en même temps, d’atténuer partiellement l’autodestruction à laquelle se livre son héros. Si le personnage est complètement dépressif, le mode narratif est quant à lui plus humoristique. Alex est conscient du ridicule de ses crises et tourne tout à l’ironie. Il balance par la fenêtre pinceaux, tableaux et même un rôti de bœuf, qui atterrit sur la pelouse de sa bienveillante voisine. Cette dernière participera à sa rédemption finale, terrible.