L'histoire :
Pour commencer à se sentir bien et faire face à ses émotions, Alice Bechdel a mené son enquête. Le déclencheur de cette démarche intérieure est la volonté d'écrire un livre sur son père. Il a mis fin à ses jours alors qu'elle était encore adolescente. Un traumatisme qui s'accompagne d'une mère assez distante. Elle a éduqué sa fille différemment des garçons. Ce n'est pas pour autant qu'aucun lien ne les unis. Presque chaque jour, elles échangent par téléphone. La dessinatrice note chaque mot qu'elle entend puisque sa génitrice monopolise la conversation. Les sujets ne manquent pas puisque cette femme est à la fois une grande lectrice, une mélomane, une actrice et une spectatrice avertie. La réalisation de l'ouvrage sur son paternel prend plus de temps que prévu. Les interrogations se succèdent sur son comportement depuis son enfance. L'échange avec des spécialistes de l'esprit, la lecture de Virginia Woolf et des écrits du pédopsychiatre Donald Winnicott nourrissent sa réflexion. En plus, se rajoute une autre démarche sur son homosexualité, moins acceptée par sa mère. D'ailleurs, l'idée de faire une bande dessinée qui parle de femmes lesbiennes en la signant de son nom la déroute beaucoup. Que vont penser les connaissances en voyant les réalisations de sa fille ? Ce rejet contribue aussi à compliquer une relation mère/fille des plus troubles et tendues. Les choses peuvent-elle vraiment changer ? Cela repose toujours sur la volonté de savoir ce que l'on veut pour demain. Et savoir quelle personne on veut devenir et ce que l'on est prêt à faire pour y arriver.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alison Bechdel s'est fait connaître avec son roman graphique Fun Home. La encore, elle aborde sa vie dans une posture de d'introspection et de rétrospection. Les 300 pages se résument presque à « Moi, moi, moi et moi ». Le lecteur suit les incessantes interrogations sur pourquoi elle a fait ci ou ça, pourquoi elle n'arrive pas à s'attacher à une partenaire, pourquoi sa mère ne l'écoute jamais... Pour montrer que ce n'est pas juste une démarche narcissique, elle fait appel à des références extérieurs. Les sources d'autorités reposent sur des psychologues qu'elle consulte depuis très longtemps et à un pédiatre et psychanalyste britannique, Donald Woods Winnicot (1896-1971). Ainsi, elle fait des parallèles entre des études et son vécu pour trouver des justificatifs/explications. Les citations apparaissent tout au long de l'ouvrage avec le surlignage de l'élément jugé important. La pédagogie est assez mise en avant afin de permettre l'appropriation de savoir par l'acteur qui lit, de façon très dense. L'aspect graphique est certes moins approfondi... Toutefois, la structure reste assez classique avec des cases entourées de noir, des bulles et l'absence de couleurs. Cette quête d'identité traîne vraiment en longueur avec une focale ultra-nombriliste. Tout est perçu juste par rapport à elle, or elle ne s'ouvre jamais vraiment aux autres. On peut nuancer car derrière cette obnubilation de soi, on entend une critique. En effet, le discours sur le rôle de la femme, la pression sociale, l'identité lesbienne... est présent en toile de fond. Peut-on s'émanciper du regard des autres pour se trouver ? La réponse n'a rien d'évident. La dessinatrice semblerait conclure par un « oui mais ». Points éditions font une incursion dans le monde du 9ème art avec l'audace de choisir une personnalité américaine du comics et un récit très personnel, dans un petit format au prix accessible.