L'histoire :
Rosie et Denis, un couple marié depuis quatre ans mais qui s’ennuie. Angel, une jeune femme isolée, dont le travail est le seul lien social. Thomas, un jeune homme aventureux posant nu lors d’atelier de dessins. Rayanne, une mère célibataire vivant avec son jeune fils présentant des signes inquiétants d’instabilité mentale. Lou, un ouvrier vivant seul, souffrant de terreurs nocturnes. Gloria une grand-mère résidant avec sa petite fille adulte mais étrange et Danielle, kinésithérapeute, qui se met à douter du sens de son métier, composent un groupe hétérogène de personnes participant certains soirs à un cours de théâtre. Celui-ci, dirigé par l’affable monsieur John Smith, propose des mises en situation, seul, en binôme ou à plusieurs, qui évoluent au fil des séances en mises en abîmes assez déstabilisantes. Les participants s’immergeant dans des mondes parallèles virtuels, où ils se retrouvent, mais dont ils ont de plus en plus de mal à se sortir. Certains vont y prendre goût, d’autres vont très mal le vivre. Mais au fait, quel est le but de ce monsieur Smith, et qui est-il vraiment ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rentrer dans un récit fantastique, voire psychanalytique tel Acting Class, c'est laisser ses repères de côté et accepter, à l'image de tous ces individus, une raison de vivre ou une rédemption, de lâcher prise et de dériver, au sens propre comme au figuré. Ces onze personnages, échantillon important de « middle class » américains, nous entrainent dans autant de mini histoires étranges, sans distanciations véritables avec leur vie quotidienne « normale » et sans qu'aucun chapitre ne vienne ponctuer celles-ci. Ceci toujours à l’aide de pages aux petites cases monotonement agencées, telle la première publication française de l'auteur : Beverly, Fauve révélation 2018 à Angoulême. Toute la tactique de Nick Drnaso est d'effacer les repères. Hésitant d'abord à entrer dans cet univers un peu froid, constitué à 98% de scènes de dialogues, on comprend petit à petit la volonté de plonger le lecteur dans la psyché, souvent perturbée, des protagonistes eux-mêmes. Les questionnements nous gagnent, tout comme l'angoisse, et l'on se prend à penser au comparable Comme un gant de velours de Daniel Clowes lorsque Thomas est interpellé par deux flics très bizarres. D'autres situations étranges, cela dit, forçant par exemple Danielle à faire connaissance et être aimable, jusqu'à la nausée, avec des inconnus croisés, dressent un portrait effrayant d'une certaine société américaine. Une société étouffante, conservatrice, mais aussi contradictoire dans la violence qu'elle peut engendrer. Nick Drnaso nous embarque dans un voyage intérieur si intense, qu'à l'image d'une scène du livre, où trois personnages partis en barque sont perdus au milieu d'un lac dont ils ne voient plus les rives, on cherche la fin, nous demandant si quelqu'un sera là pour nous ramener. « Une classe d'acteurs interprétant des rôles », certes, mais dans un monde de plus en plus...virtuel. Fascinant.